Tôt ou tard, il faudra s'y résigner: l'objectif de déficit zéro du gouvernement du Québec sera pratiquement inatteignable. Il est maintenant temps d'envisager le paysage budgétaire autrement, question de ne pas charcuter les services publics et de nuire davantage à l'économie.

Pour y voir clair, nous avons analysé les déficits trimestriels du gouvernement du Québec depuis cinq ans. Les chiffres sont éloquents.

D'abord, le gouvernement du Québec a réalisé un déficit de 1,8 milliard de dollars au premier trimestre de son exercice, soit d'avril à juin 2013. Ces chiffres ont été publiés dans le rapport mensuel des opérations financières du ministère des Finances, vendredi dernier.

À ce rythme, le déficit annuel atteindrait 7,2 milliards en 2013-2014, soit quelque 7 milliards de plus que sa cible de déficit zéro. Ouch! Rassurez-vous, toutefois, le premier trimestre est souvent négatif, notamment en raison des ajustements liés aux «remboursements d'impôt», et donc peu représentatif de l'année dans son ensemble. La projection nous permet toutefois de mieux saisir l'ampleur du déficit trimestriel.

Autre point de comparaison: le déficit entre avril et juin 2013 est le plus important pour un premier trimestre depuis cinq ans. Au premier trimestre des quatre années précédentes, le déficit avait en effet oscillé entre 945 millions et 1,6 milliard.

La différence n'apparaît pas si grande à première vue. Mais il faut savoir que les déficits trimestriels des années précédentes avaient été réalisés dans un contexte où ils étaient prévus. Comme ils étaient planifiés, le gouvernement n'a pas eu à gérer de nouvelles coupes budgétaires pour atteindre ses cibles.

Cette année, l'écart entre le déficit au premier trimestre et la cible prévue est très grand. Il nous donne une idée de la côte qu'il faudra remonter pour atteindre le déficit zéro (voir tableau). Plus précisément, l'écart entre le déficit et la cible est de presque 600 millions par mois, comparativement à 380 millions l'an dernier et 51 millions au cours de l'exercice 2010-2011. Vu autrement, au cours des neuf mois qui restent à l'exercice 2013-2014, il faudra engranger un surplus moyen de 200 millions chaque mois pour boucler les livres sans déficit. C'est beaucoup.

Dernier point de comparaison: sur les 18 derniers trimestres, un seul a été plus difficile que celui du premier trimestre de 2013-2014 et ce fut au terme de la crise financière de 2008-2009. Ainsi, entre octobre et décembre 2009, le gouvernement du Québec avait enregistré un déficit de 2,0 milliards. Cette année-là, il ne prévoyait toutefois pas atteindre zéro à la fin de l'année, mais une année déficitaire de 3,9 milliards.

Bref, les temps sont durs. Les raisons qui expliquent ces résultats sont connues. L'économie a ralenti au Québec ces derniers mois, les consommateurs étant plus frileux. Le produit intérieur brut (PIB) a même connu une décroissance entre avril et juin, de 2,9%, si bien que, pour la première moitié de l'année, la croissance a été de seulement 0,9%.

Ce ralentissement de l'économie a pour effet de réduire les recettes du gouvernement. Ainsi, l'ensemble des revenus autonomes du gouvernement a reculé de 0,4% entre avril et juin 2013 par rapport à la même période de 2012. Les dépenses de programmes (santé, éducation, etc.) sont loin d'avoir explosé, avec un bond de 2,6%, mais elles demeurent plus élevées que la cible annuelle de 1,9%.

L'élément central de la décroissance récente de l'économie du Québec est la grève des milliers de travailleurs de la construction. Et la croissance économique à l'extérieur (Canada, États-Unis) qui ne s'est pas accélérée comme prévu.

Cela dit, même si un déficit zéro devient de plus en plus improbable, les finances publiques ne termineront pas l'année financière dans un si piteux état. D'abord, les économistes s'attendent à un rebond de l'économie au troisième trimestre, notamment avec la fin de la grève dans la construction.

Le PIB canadien affichait d'ailleurs une forte hausse en juillet, de 0,6%, a-t-on annoncé hier. Cette augmentation suit un recul de 0,5% en juin, notamment attribuable à la grève au Québec.

En somme, le Québec devrait terminer l'année avec un déficit, mais l'ampleur pourrait être contenue avec ce revirement de seconde moitié de l'année prévu par les économistes. Dans sa mise à jour économique de novembre, le ministre Nicolas Marceau aurait toutefois avantage à donner l'heure juste aux Québécois et à cesser de faire miroiter l'inatteignable, comme l'ont fait cinq autres provinces.

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UNE GROSSE CÔTE À REMONTER

(en milliards de dollars)

[DÉFICIT CUMULÉ APRÈS 3 MOIS | CIBLE DE DÉFICIT ANNUEL | DÉFICIT RÉELLEMENT RÉALISÉ]

2013-2014 : -1,79 | 0 | s.o.

2012-2013 : -1,52 | -1,5 | -1.75

2011-2012 : -0,95 | -3,8 | -2,63

2010-2011 : -1,28 | -4,5 | -3,15

2009-2010 : -1,61 | -3,95 | -3,17