Oublions les querelles Ottawa-Québec pour un instant. Imaginons qu'Ottawa ne touche pas à un secteur - la formation - cédé au Québec il y a 15 ans. L'idée du gouvernement fédéral de mieux arrimer la formation des chômeurs aux besoins des entreprises est très bonne.

Le coeur du budget Flaherty repose sur ce principe de réduire le chômage dit structurel. Il s'agit du chômage, souvent de longue durée, qui n'est pas lié au ralentissement économique, mais à l'inadéquation entre les emplois disponibles et les compétences des travailleurs.

À la fin des années 2000, par exemple, des milliers d'employés perdaient leurs gagne-pain dans le secteur de la forêt, mais pendant ce temps, les sociétés minières s'arrachaient les cheveux pour trouver des mineurs. On a donc formé les chômeurs forestiers pour les amener à travailler dans les mines, une situation gagnant-gagnant.

De fait, d'ici 10 ans, le secteur minier canadien aura besoin de combler un minimum de 100 000 nouveaux postes. Même constat dans le secteur des transports pour les chauffeurs de camions et d'autobus : l'écart entre la demande et les besoins atteindra quelque 30 000. Des électriciens, des informaticiens, des travailleurs agricoles, des machinistes, alouette, les besoins des entreprises sont criants. Cette pénurie de main-d'oeuvre fait aujourd'hui rager le tiers des entreprises au Canada.

Pour résoudre cette pénurie, Ottawa propose d'instaurer la subvention canadienne pour l'emploi, entre autres. Le gouvernement versera un maximum de 5000$ pour chaque employé qu'une entreprise tente de recruter, mais qui manque de formation. Cette formation pourrait être donnée dans des collèges, des cégeps ou même des centres de formation de syndicats.

Ottawa veut que le déclencheur de la formation soit les entreprises plutôt que les centres d'emploi, comme ceux d'Emploi Québec. Globalement, Ottawa estime que 130 000 employés par année pourraient bénéficier de la subvention.

Trois problèmes

Le mécanisme pose toutefois trois problèmes. D'abord, Ottawa versera l'argent à la seule condition que les entreprises et surtout les provinces en mettent autant. C'est 5000$ chacun ou rien du tout. Globalement, chaque partie devra mettre 300 millions de dollars par année.

Du côté fédéral, il ne s'agira pas de nouvel argent - déficit zéro oblige - mais de fonds déjà versés aux provinces, dont 70 millions au Québec. Ainsi, le Québec devra non seulement accepter l'approche du fédéral pour avoir ses 70 millions, mais aussi débloquer ou réallouer de ses propres fonds pour se conformer à l'entente. L'enjeu pour le Québec est donc d'environ 140 millions (70 millions X 2).

Ottawa est ouvert à négocier, mais il est ferme sur le principe que ce soit les entreprises qui agissent comme déclencheur de la formation.

Deuxième problème, la logistique. L'entreprise devra-t-elle embaucher son futur employé avant d'avancer les 5000$ pour la formation ? L'employé, de son côté, sera-t-il tenu de travailler pour l'entreprise qui a avancé les fonds ? Pour combien de temps ? Quand pourra-t-il aller voir ailleurs ? Y aura-t-il un contrat entre les deux ? Et si l'employé échoue la formation, l'entreprise sera-t-elle remboursée ?

Troisième problème du programme : il vise seulement les emplois qui nécessitent une formation de courte durée, quelques mois tout au plus. Pas question de convertir un philosophe en comptable. Ou même de former un électricien, qui nécessite jusqu'à trois ans de cours au Québec. Or, une grande partie du chômage structurel vient de ces emplois plus spécialisés.

À cet égard, Ottawa lancera toutefois une campagne d'information auprès des jeunes pour valoriser les métiers professionnels en forte demande, comme ceux dans le domaine des sciences, de la technologie, du génie et des mathématiques. Il est question d'injecter 19 millions sur deux ans.

En somme, l'objectif d'Ottawa est louable et intéressant, mais il reste beaucoup à faire avant de le mettre en application.