La première personne à avoir annoncé sa candidature à la direction du Parti québécois, Véronique Hivon, au tout premier jour de sa campagne, n'a pas pu échapper à la question qui hante tous ceux et celles qui ont dirigé le parti ou qui ont aspiré à le faire : ses intentions référendaires.

Mme Hivon y a répondu d'une façon assez énergique : « J'ai dit aux journalistes : à chaque fois que vous allez me parler de référendum, je vais vous parler de souveraineté. »

Ne voulant pas être empêtrée dans les questions, qu'au PQ, on décrit maintenant comme de la mécanique, la candidate a illustré son propos avec une jolie image. « Quand on décide d'aller à Venise, on pense que ça va être le fun d'aller à Venise, on ne se dit pas : ça va être quoi le projet d'avion puis où est-ce qu'on va transférer ? Avant, on pense que c'est une bonne idée d'aller à Venise. Après, on s'organise. »

Mais qu'est-ce qui arrive, dans un couple, quand un des deux conjoints ne veut absolument pas aller à Venise ? C'est pourtant ça, la réalité du Québec. Et c'est ça, le problème du PQ.

Si je parle de ça, ce n'est pas pour accabler Véronique Hivon au moment même où elle se lance en campagne. Sa candidature, comme celle d'Alexandre Cloutier, apporte un vent de renouveau à la vie politique québécoise. L'arrivée de ces nouveaux acteurs, d'une autre génération, avec une autre conception du pouvoir et de la politique, est prometteuse pour le Parti québécois. Cela va aussi bousculer les autres partis, surtout le Parti libéral, qui ne se caractérise pas par sa jeunesse.

Je suis bien conscient du fait que Mme Hivon, comme ses adversaires, est prisonnière d'un rituel. Une campagne à la direction n'est pas une campagne électorale. Les candidats s'adressent aussi à l'ensemble de la population mais ils visent d'abord les membres du parti, ceux qui voteront.

Dans le cas du Parti québécois, le membership se caractérise par une concentration de militants plus orthodoxes avec qui il faut faire preuve d'une grande prudence. Comment gagner ces militants plus durs et plus pressés sans être un repoussoir pour une population, souvent même chez ceux qui font partie de la famille souverainiste, qui ne veut pas se lancer dans un processus référendaire ?

Pendant plusieurs années, les chefs successifs du PQ s'en sont tirés en disant vouloir attendre les conditions gagnantes. Mais il y a eu radicalisation du débat au sein du PQ, tant et si bien que l'évocation même d'un report du rendez-vous référendaire peut représenter un arrêt de mort pour un candidat. D'où la réponse maintenant standard qui consiste à dire qu'on ne veut pas s'embarquer dans un débat sur la mécanique.

Ce cas type de langue de bois pose toutefois un problème particulier pour la relève. Mme Hivon, comme M. Cloutier, veulent faire de la politique autrement, ils veulent rétablir le lien de confiance avec les citoyens. Les réponses de Mme Hivon risquent d'avoir l'effet contraire.

La question sur le référendum, ce n'est pas seulement une manoeuvre journalistique. Un grand nombre de personnes se la poseront, parce qu'une campagne référendaire, ce n'est pas un détail, ni de la simple mécanique, mais un moment intense, aux conséquences lourdes, prometteuses pour certains, très inquiétantes pour d'autres. Le fait de vouloir savoir si c'est ce qui attend le Québec advenant une victoire péquiste est donc une question parfaitement légitime. Et qu'a fait Mme Hivon ? Elle a dit carrément qu'elle n'avait pas l'intention d'y répondre. Disons que ce n'est pas un modèle de dialogue ou de transparence.

D'autant plus que ces candidatures au PQ invitent une comparaison avec le succès d'un autre jeune politicien, Justin Trudeau, qui a non seulement remporté les élections mais qui voit sa popularité augmenter, notamment grâce à sa modernité et à sa capacité de susciter l'enthousiasme des jeunes.

Mais il y a une différence fondamentale entre Justin Trudeau et cette nouvelle génération péquiste. Le succès de Justin Trudeau a reposé sur sa remarquable capacité d'écouter les gens. Ce que cherche cette relève du PQ, c'est plutôt que les gens l'écoutent.

Pendant deux ans, Justin Trudeau était vague sur son programme, expliquant qu'il consultait, qu'il cherchait à savoir ce que les gens voulaient. Le résultat, un projet dans lequel de très nombreux Canadiens et Québécois se sont reconnus. Mme Hivon, M. Cloutier, et ce sera encore plus marqué avec Martine Ouellet, veulent plutôt trouver les mots pour mieux expliquer aux Québécois pourquoi ils devraient adhérer à une vision déjà définie, une destination décidée à l'avance, le Venise de Véronique Hivon.

De bas en haut dans un cas, de haut en bas dans l'autre. D'après ce que je peux comprendre, ce n'est pas la meilleure façon de conquérir les jeunes, des générations qui n'aiment pas beaucoup qu'on leur dise quoi faire et quoi penser.