Quand on veut régler un problème, il faut d'abord savoir quel est le problème qu'on veut résoudre, il faut ensuite comprendre la nature de ce problème, pour en identifier les causes, ce qui est indispensable pour trouver les bonnes solutions.

Et c'est cette démarche - diagnostic, analyse, solution - qui est absente de la politique économique Priorité emploi, déposée par la première ministre Pauline Marois. Je devrais plutôt dire les politiques économiques, parce ce que ce document comprend en fait deux stratégies collées bout à bout, si différentes l'une de l'autre qu'elles ne semblent pas avoir été écrites par les mêmes personnes.

La première, conçue par des stratèges politiques, avec les élections en tête, propose des mesures immédiates de relance de l'emploi. La seconde, porte sur les grands enjeux économiques structurels, dont un volet, la politique industrielle, a été rendu public hier par la ministre Élaine Zakaïb.

Dans le cas des mesures immédiates, c'est le diagnostic qui manque. Comme je l'ai déjà écrit, on se lance dans une politique de création d'emplois pour résoudre une crise dont on nie l'existence, sinon, comme l'a fait cette semaine le ministre Marceau, pour admettre, du bout des lèvres, que «nous ne nions pas qu'il y a des préoccupations quant au marché du travail.»

Il ne s'agit pas d'arracher un aveu au ministre. Mais de comprendre pourquoi l'emploi baisse au Québec. Son explication, le contexte mondial ne tient pas, puisque l'emploi augmente au Canada. Celle de ses adversaires non plus, les mauvaises politiques péquistes, parce qu'on a observé il n'y a pas longtemps, en 2011, une autre chute brutale de l'emploi pendant le règne libéral. Pourquoi alors? Il aurait été sage de réfléchir à cela avant de foncer tête baissée et de distribuer des milliards.

L'autre stratégie, celle des grandes politiques à long terme - politique industrielle, politique de recherche, exportations - repose heureusement sur un diagnostic lucide, impitoyable même, de l'état de l'économie du Québec. On y voit davantage la marque du ministre Marceau qui, dès son premier budget, identifiait l'insuffisance des investissements privés comme un problème majeur qu'il entendait corriger. 

Dans le document Priorité Emploi, on souligne ainsi l'existence d'un retard de la productivité. Elle était, en 2012, de 46,60$ par heure travaillée au Québec, contre 48,50$ en Ontario et 50,80$ au Canada. Cet écart n'est pas nouveau, il est chronique. Il ne s'est pas rétréci depuis 2007.

Retard aussi des investissements en machines et matériel, essentiels pour améliorer la productivité. 4474$ par travailleur au Québec, 5351$ en Ontario, 5870$ au Canada. Si le niveau d'investissement québécois égalait celui du Canada, cela représenterait 4 milliards par année.

Retard dans les investissements en logiciels et matériel de télécommunications, un des grands déterminants de la croissance de la productivité. 1265$ par travailleur au Québec, 1634$ en Alberta, 1750$ en Ontario, 1533$ au Canada, 2832$ aux États-Unis.

Ce diagnostic précis mène à un objectif ambitieux, accélérer la croissance de la productivité pour qu'elle dépasse la moyenne canadienne. C'est la bonne cible. Mais l'objectif, excessivement ambitieux, devient irréaliste parce qu'il manque quelque chose, l'analyse, pour expliquer le retard persistant du Québec pour l'investissement et la productivité.

L'absence d'une analyse des causes du retard a un effet sur le choix des solutions. Ce que propose Priorité Emploi, c'est une forme de fuite en avant. Pour stimuler la productivité, on propose de nouveaux programmes, de nouvelles subventions, de nouveaux crédits d'impôt, que l'on espère mieux conçus que les précédents. 

Le problème, c'est que le Québec est déjà l'endroit où il y a le plus de programmes, de subventions et de crédits d'impôt. Et que cela n'a jamais réussi, en 20 ans, à combler notre retard par rapport au Canada.