Pendant que nous étions absorbés par notre psychodrame étudiant, nous n'avons pas trop vu passer une mesure importante annoncée par le gouvernement Harper.

La ministre conservatrice des Ressources humaines, Diane Finlay, a annoncé un projet de changements à l'assurance-emploi qui, entre autres, cible ceux qui recourent régulièrement à l'assurance-emploi, comme les travailleurs des industries saisonnières.

Ces «prestataires fréquents» se verront imposer des critères d'admissibilité différents. Ils devront faire plus d'efforts pour chercher du travail, accepter un salaire moindre - 70% de leur salaire initial - et accepter de travailler plus loin de la maison, sous peine de ne pas avoir droit à leurs chèques de prestations.

Ce projet a déjà provoqué un tollé, surtout dans les régions où la dépendance à l'assurance-emploi est forte, assez pour devenir un mode de vie et un pivot de la structure économique, là où on travaille les trois ou quatre mois nécessaires pour se mettre sur le chômage le reste de l'année, par exemple chez les pêcheurs. C'est le cas des Maritimes ou de certaines régions du Québec comme la Gaspésie.

Cette indignation s'exprime dans les mêmes termes que l'opposition à la hausse des droits de scolarité - attaque sans précédent, stigmatisation, mépris, ici des régions, rupture du contrat social. Cette mesure soulève effectivement les mêmes enjeux, la remise en cause de droits acquis et la révolte de ceux à l'égard de qui l'État sera moins généreux. Le gouvernement Harper risque donc de découvrir que ça coûte cher de traire une vache sacrée.

Pourtant, le projet est plein de bon sens. Il n'y a rien de scandaleux à prendre des moyens pour que des chômeurs occupent un emploi. L'assurance-emploi n'est pas une aide sociale, mais une assurance pour aider les travailleurs entre deux emplois. J'hésite toutefois à appuyer le projet conservateur parce que, même si le principe est correct, même s'il semble modéré, tout dépendra de la façon dont on l'appliquera.

Dans certaines régions, ce mode de vie est tellement enraciné qu'on perçoit cette réforme comme une attaque contre leurs valeurs et leur identité. On oublie à quel point ce mode de vie comporte des effets pervers, qu'il encourage une culture de dépendance et qu'il freine le développement en réduisant le désir de travailler.

Cette indignation a été bien exprimée dans un texte de Pierre Céré, porte-parole du Conseil national des chômeurs, dans un texte publié dans nos pages d'hier. «Tout cela affectera à coup sûr leur vie familiale, mais aussi l'économie régionale et locale. Rappelons une évidence: les prestations de chômage servent à payer les comptes et l'épicerie. Quel sera le coût humain des ces mesures annoncées et celui sur l'économie des régions et des provinces?»

Je dois dire que cette intervention m'a laissé perplexe. Parce que le projet gouvernemental n'annonce pas des coupes, mais plutôt une obligation plus pressante de chercher et d'accepter un emploi. Là où il n'y a pas d'emplois disponibles, cela ne changera rien. Le pire qui pourra arriver à un chômeur, c'est de travailler à 70% de son salaire habituel, ce qui lui donnera pas mal plus d'argent à la fin de l'année que le 55% de son salaire que lui consent l'assurance-emploi. La différence, c'est qu'il devra travailler.

J'aimerais rappeler deux autres évidences. Dans une société où la plupart des citoyens travaillent à temps plein, le fait de ne travailler que quelques mois par année n'est pas un objectif social, ni un droit; c'est une anomalie. Il faut ensuite rappeler que ce mode de vie n'est possible que parce que quelqu'un d'autre paie la note. La justice sociale doit aussi tenir compte de ces iniquités horizontales.