Le discours du Trône, prononcé vendredi dernier, et le discours du budget, qui sera présenté cet après-midi, donnent le coup d'envoi au règne d'au moins quatre ans que les conservateurs exerceront sur la politique canadienne.

Ce qu'on a entendu vendredi et ce qu'on découvrira aujourd'hui indiquent que cette période nouvelle, historique à bien des égards - un gouvernement majoritaire clairement à la droite de l'échiquier politique -, n'aura rien de brutal ou de spectaculaire.

La formule qui décrit le mieux la façon de gouverner de Stephen Harper se dit mieux dans sa langue maternelle: «What you see is what you get.» Le discours du Trône reprend les promesses électorales conservatrices, comme l'abolition du registre des armes à feu, le soutien au projet hydroélectrique de Churchill Falls ou les 2 milliards pour le Québec en compensation de l'harmonisation des taxes de vente. Mais surtout, il reprend les mesures du budget Flaherty de mars dernier.

Il n'y a donc pas de grandes surprises. Les conservateurs ont fait campagne sur ce budget que les partis de l'opposition voulaient rejeter. Ils ont promis de le redéposer tel quel s'ils étaient reportés au pouvoir. Et c'est ce qu'annonce le discours du Trône. Même plan de match avant, pendant et après les élections, qu'ils soient minoritaires ou majoritaires.

Il y a, dans cette approche, une cohérence interne, tout à l'honneur des conservateurs. M. Harper a voulu faire de cette prévisibilité et de cette stabilité une marque de commerce de son gouvernement, ce qui a certainement contribué à lui donner la majorité qu'il recherchait.

Et c'est ainsi que le budget de mars et donc celui de juin reposent sur quelques idées précises. Des impôts bas, ce qui signifie davantage une promesse de ne pas les augmenter que l'annonce de baisses significatives. Un engagement de retour rapide à l'équilibre budgétaire. Une préoccupation pour l'emploi, qui ressemble plus à un slogan qu'à un projet. Une réticence à amorcer de grandes stratégies économiques.

Il y a cependant une différence notable entre les deux exercices budgétaires, et c'est la promesse étonnante de M. Harper en campagne de devancer d'un an le retour à l'équilibre budgétaire. Le déficit, qui a atteint 56 milliards l'an dernier, et qui devrait être de 30 milliards cette année, sera ramené à zéro pour l'année financière 2014-2015 plutôt qu'en 2015-2016.

Ce n'était pas une promesse anodine. Elle consistait à aller chercher 4 milliards de plus en économies grâce à un examen stratégique qui s'ajoutait à l'examen très serré des dépenses que promettait le budget. On en a déduit que les conservateurs comptaient sur des réserves cachées ou sur les bienfaits de la croissance pour remplir leurs coffres.

Mais les choses ont changé depuis la campagne électorale. Les perspectives économiques se sont détériorées. L'Europe a des problèmes, la reprise américaine a des ratés. On ne pourra pas autant compter sur le dynamisme de l'économie pour assainir les finances publiques.

La lutte contre le déficit devra donc davantage reposer sur l'examen des programmes. Un exercice sur lequel on n'a pas de détails. Mais on sait que les milliards ne traînent pas. Pour obtenir des résultats, il faudra abandonner des missions, éliminer ou transformer des programmes.

Et c'est là qu'inévitablement, le gouvernement Harper provoquera des grincements de dents. Les choix qu'il fera, les sacrifices qu'il imposera ne pourront faire autrement que de refléter ses valeurs, ses priorités et sa conception de l'État. Bien plus que dans le budget ou dans le discours du Trône, c'est dans tous ces gestes et ces choix pour revenir au déficit zéro que l'on découvrira davantage le virage conservateur. Et c'est là que seront les surprises.