La semaine dernière, ce devait être la Semaine pour l'école publique. C'est plutôt devenu la semaine contre l'école privée. Des voix se sont élevées pour réclamer l'abolition des subventions gouvernementales aux écoles privées, et pour attaquer leurs pratiques, leur mode de sélection, de façon parfois féroce.

Le point de départ de la réflexion était légitime. La baisse des effectifs du secteur public, et surtout le départ des meilleurs élèves vers le privé, fait craindre à certains un affaiblissement progressif de la qualité de l'enseignement du réseau public. C'est un enjeu. Car l'avenir de l'éducation au Québec repose sur l'existence d'un réseau public de qualité.

Mais le débat a dérapé. Parce que le diagnostic manque de raffinement et que les solutions sont bancales. Et surtout, parce que cela a réveillé toutes les vieilles bibittes qui hantent la psyché québécoise: la peur de la concurrence, le refus de l'effort, et surtout la culture du «tout le monde doit être pareil», qui mène inexorablement au PPCD, le plus petit commun dénominateur commun.

Les effectifs du secteur public ont fondu de 84 000 en six ans. Le gros de la baisse, 60 000, s'explique par la démographie. L'attraction du privé explique 24 000 départs, soit 30% du total. C'est donc une partie du problème.

Mais il faut se demander si on ne confond pas la cause et l'effet. Est-ce le succès du privé qui affaiblit le réseau public? Ou est-ce plutôt les carences du réseau public qui nourrissent le privé? Les résultats aux examens du Ministère, l'échec de la réforme pédagogique, l'incidence du décrochage, l'image négative des polyvalentes. Si tel est le cas, on tire sur le messager, on s'attaque au symptôme plutôt qu'aux causes.

Si l'analyse semble sommaire, la solution l'est encore plus: coupons les subventions au privé, qui couvrent 60% des coûts d'un élève. La hausse des droits de scolarité forcera un retour au réseau public, qui retrouvera ainsi sa clientèle, ses bons élèves et son élan. L'impact est difficile à mesurer et dépend de la proportion des élèves du privé qui reviendront au bercail.

Si le retour au public est un succès, cela engorgera le public, cela coûtera plus cher, parce que ces élèves seront subventionnés à 100%, et cela risque de provoquer la fermeture d'un grand nombre d'établissements privés, souvent de qualité. Avec aucune espèce de garantie que ce retour forcé se traduira en qualité.

Mais ce n'est pas un débat économique, c'est une croisade. D'abord contre l'élitisme. Il est clair que nous avons un système d'éducation à plusieurs vitesses. C'est un problème quand la sélection se fait en fonction du revenu. Mais elle se fait bien davantage par le talent. Réduire l'école privée, c'est vouloir que l'école soit la même pour tous. Cette logique du tout le monde pareil, hélas! mène à une dynamique du tout le monde plus bas.

Le risque est réel, parce qu'en sous-main, se profile une autre bataille, contre la concurrence. C'est un des chevaux de bataille de la Centrale des syndicats du Québec, qui dit non à la concurrence, même au sein du public, non aux palmarès, non aux programmes spéciaux pour les plus doués. C'est la logique qui nous a donné les bulletins sans note. Sans concurrence, le système d'éducation se prive d'un outil essentiel pour innover et s'améliorer.

C'est enfin un refus de l'effort. Parce que contrairement à ce qu'on dit souvent, le succès des écoles privées vient moins de la sélection que de ce qui se passe après, le fait que les écoliers du privé sont plus poussés et travaillent bien plus.

C'est cela que l'on risque de compromettre. Belle façon de bâtir le Québec de demain.