Depuis qu'il a pris le pouvoir en 2003, on a découvert qu'il y a deux Jean Charest. Il y a le bon Jean Charest, enjoué, vif, énergique, en maîtrise de ses dossiers. Mais il y a aussi le mauvais, replié sur lui-même, absent, comme s'il était frappé par un équivalent politique de la bipolarité.

Pendant la dernière campagne électorale et en ce début de mandat, c'est ce mauvais Jean Charest qui semble diriger le Québec, comme on l'a vu dans la dossier de la Caisse de dépôt, ce qui pourrait expliquer des résultats électoraux inférieurs aux attentes et de moins bons sondages.

 

Il y a quelque chose qui ne va pas. Où est le Jean Charest d'il y a six mois qui, malgré sa situation minoritaire, était partout, semblait péter le feu, assez d'ailleurs pour reconquérir les Québécois dans un revirement qui lui a permis de former un gouvernement majoritaire?

Le moment est mal choisi, parce que nous sommes au creux d'une tourmente. Et que c'est dans les périodes de crises que nous avons besoin d'un leadership à son meilleur. Peut-être que le vent va tourner. Le discours inaugural prononcé hier par le premier ministre abordait les enjeux économiques de la bonne façon et manifestait l'énergie, la cohérence et le sens des priorités nécessaires, même s'il ne comportait pas d'éléments nouveaux. Mais il faudra beaucoup plus.

De façon générale, on a pu déceler une corrélation assez nette entre le degré de pression qui s'exerce sur le premier ministre et la qualité de sa performance. Il s'est ressaisi dans la deuxième partie de son premier mandat, quand son impopularité menaçait sa survie politique. Il s'est dépassé quand il dirigeait un gouvernement minoritaire. Bien en selle pour quatre ans, il ne subit maintenant aucune pression politique. Mais en fait, il y a une autre forme de pression qui devrait le galvaniser, et c'est le contexte économique exceptionnel.

Mais comment? D'abord en étant là, en étant présent. On a l'impression que, depuis sa victoire, le premier ministre libéral se cache, peut-être pour ne pas être éclaboussé par le mécontentement provoqué par une récession sérieuse, par exemple dans le débat sur la Caisse de dépôt. L'exemple du président Barack Obama est éloquent à cet égard. Un premier ministre doit être là, il doit écouter les gens, les rassurer, être aux premières lignes.

Comment aussi? En leur parlant, et ça commence par la franchise et la transparence, dire les choses telles qu'elles sont. Et comme il ne l'a certainement pas fait au sujet avec la Caisse de dépôt. Dans ce dossier, M. Charest a poussé la langue de bois à sa limite, en affirmant en campagne n'avoir aucune idée de la situation de la Caisse, quand n'importe quel citoyen qui a appris à additionner savait que celle-ci se dirigeait vers un annus horribilis.

Comment enfin? En acceptant d'aller au front, même si c'est désagréable. Dans le cas de la Caisse, les citoyens, en colère, veulent comprendre. Et pour cela, une commission parlementaire s'impose. Ce sont les libéraux qui, dans les faits, empêchent sa tenue en refusant que la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, y soit interrogée, ce qui serait pourtant la moindre des choses.

Bien sûr, ce sera un pénible cirque partisan où on tentera en fait de faire payer le gouvernement pour une crise qui est mondiale. Mais il faut faire confiance à l'intelligence des Québécois. Et se souvenir que la meilleure défense, c'est l'attaque. Dans ce cas-ci, l'attaque, ce n'est pas la politique partisane, mais plutôt le plan que le gouvernement proposera pour affronter la tourmente.