Le gouvernement israélien ne recule devant rien pour accueillir son grand ami Stephen Harper, ce week-end.

À l'occasion de sa toute première visite officielle en Israël, le premier ministre canadien pourra s'adresser aux députés de la Knesset - un privilège sans précédent dans l'histoire des relations entre les deux pays. Il recevra aussi un doctorat honoris causa et verra même un centre d'interprétation des oiseaux migrateurs baptisé à son nom!

Stephen Harper a travaillé fort pour mériter cet accueil royal. C'est en quelque sorte sa récompense pour avoir complètement réorienté la position canadienne face au conflit du Proche-Orient. Et pour avoir abandonné la traditionnelle neutralité d'Ottawa au profit d'un soutien indéfectible à la droite au pouvoir en Israël.

Ce n'est pas moi qui le dis, mais le Jerusalem Post, selon lequel «Stephen Harper a sans doute été le leader international qui a le plus soutenu Israël».

Finie la neutralité face au Proche-Orient, finies les critiques occasionnelles, le Canada de Stephen Harper maintient une politique «absolument pro-israélienne», se réjouit le journal.

Les exemples de ce changement de cap sont nombreux. Sous sa gouverne, Ottawa a été le premier pays à imposer des sanctions aux Palestiniens de la bande de Gaza, pour les punir d'avoir voté pour les islamistes du Hamas.

Lors de la seconde guerre du Liban, quand Israël a attaqué massivement ce pays en réponse aux roquettes du Hezbollah, Ottawa a qualifié cette réponse de «mesurée.» Ailleurs, les positions étaient, à tout le moins, beaucoup plus partagées.

Quoi d'autre? Quand les pays du G8 ont voulu faire pression sur Israël avec une résolution liant les négociations de paix au respect des frontières de 1967, le Canada a bloqué ce texte, pourtant soutenu par tous ses partenaires, y compris Washington.

L'année suivante, Ottawa a voté contre la reconnaissance de la Palestine comme État observateur à l'ONU. À une autre époque, le Canada se serait abstenu.

Au printemps dernier, le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a poussé le bouchon un peu plus loin, en rencontrant une ministre israélienne à Jérusalem-Est - partie arabe de la ville qui, aux yeux de la loi internationale, est considérée comme un territoire occupé par Israël.

Le ministre Baird a rejeté les critiques en affirmant que l'endroit où il «prend un café n'a pas d'importance». Pourtant, selon l'ancien ambassadeur du Canada à l'ONU, Paul Heinbecker, cette rencontre défie les pratiques diplomatiques habituelles. Et équivaut à conforter Israël dans ses prétentions territoriales sur Jérusalem-Est, un sujet hautement explosif, au coeur du conflit entre les deux peuples.

C'est bien facile de dire qu'on est «en faveur de la solution des deux États», comme l'a fait récemment John Baird en entrevue avec La Presse. Mais quels États? Sur quel territoire? Sa petite escapade à Jérusalem-Est en dit plus long sur les véritables positions des conservateurs que des déclarations de principes qui tournent à vide.

Finalement, même la toute nouvelle ambassadrice du Canada en Israël, Vivian Bercovic, suscite la critique. Selon l'ancien diplomate canadien Michael Bell, celle-ci prône une vision «unidimensionnelle» et «simpliste» des relations arabo-israéliennes. Et elle devra cesser de «diaboliser» les Palestiniens si elle veut faire son boulot comme il faut.

C'est pour toutes ces raisons que Stephen Harper sera reçu en héros et en ami par ses hôtes israéliens. Mais ce ne sont pas les bonnes raisons et il n'y a pas de quoi se réjouir.

Tant en Israël que dans la diaspora juive, il y a des gens qui trouvent que cet appui inconditionnel relève de la complaisance plus que de l'amitié. «Si Stephen Harper était véritablement un ami d'Israël, il conseillerait au gouvernement de cesser de construire dans les territoires occupés», dit Susan Barksdale, de JSpace - une organisation juive canadienne qui défend Israël, mais d'un point de vue idéologiquement différent de celui du premier ministre Benyamin Netanyahou. Ou encore de celui de Stephen Harper.

Selon ce point de vue, partagé aussi par la gauche israélienne, c'est la politique d'occupation et de colonisation de la Cisjordanie qui conduit Israël à sa perte. Un ami, un vrai, mettrait en garde les dirigeants israéliens contre leurs politiques de faucons suicidaires.

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Ironiquement, le site web du ministère canadien des Affaires étrangères, à la page concernant le Proche-Orient, affiche des positions diamétralement opposées à la politique du gouvernement Harper. «Le Canada ne reconnaît pas le contrôle permanent exercé par Israël sur les territoires occupés en 1967», lit-on sur le site, qui mentionne alors la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

Depuis peu, des voix s'élèvent en Israël pour faire changer ce texte, dont celle de l'ancien ambassadeur à Ottawa Alan Baker. Les pressions porteront-elles leurs fruits? À suivre...