Moins de 48 heures après avoir fait adopter sa réforme de la santé, le président Barack Obama a foncé hier vers une nouvelle percée, cette fois sur la scène internationale.

La signature d'un traité de désarmement nucléaire entre les États-Unis et la Russie n'est plus qu'une question de semaines. Selon ce qui a été confirmé de part et d'autre hier, cet accord sera conclu le mois prochain à Prague - là même où, un an plus tôt, le président Obama s'était engagé à oeuvrer pour un monde sans armes nucléaires.

 

Moscou et Washington voulaient tous deux renouveler le traité START 1, mis de côté par George W. Bush et échu depuis décembre. Leur accord ne constitue donc pas une surprise en soi, mais il n'en est pas moins capital.

«Symboliquement, c'est un moment très fort, qui marque la reprise d'un dialogue bloqué depuis plusieurs années», dit Barthélémy Courmont, spécialiste des questions nucléaires à l'UQAM.

Et c'est d'autant plus important que les pays signataires d'un autre traité multilatéral, celui sur la non-prolifération des armes nucléaires, doivent se rencontrer au mois de mai, à New York, pour leur bilan quinquennal.

Leur dernière rencontre, en 2005, avait été «catastrophique», dit Michel Fortmann, politologue à l'Université de Montréal. Selon lui, les États-Unis avaient alors adopté une attitude totalement butée, refusant de bouger d'un micromètre.

La nouvelle d'hier ne pouvait donc pas mieux tomber. Pour que les discussions de New York soient fructueuses, les deux grandes puissances, propriétaires des plus gros stocks d'armes nucléaires, devaient montrer qu'elles s'engageaient concrètement sur la voie du désarmement. Pour Barack Obama, il était «crucial de montrer qu'il pouvait tenir ses promesses», note Michel Fortmann.

En renouvelant le traité START, Washington et Moscou font donc plus que reprendre la destruction progressive de leurs arsenaux nucléaires, abandonnée pendant l'ère Bush. Ils donnent aussi l'exemple aux autres puissances nucléaires et aux États qui envisagent de le devenir.

Pour convaincre Moscou de reprendre ce processus, Barack Obama a dû abandonner le projet de bouclier antimissile que son prédécesseur voulait déployer en Pologne et en République tchèque - geste perçu comme une menace par le Kremlin. Résultat corollaire: une baisse de tension entre les deux pays, qui, il n'y a pas si longtemps, semblaient se diriger vers une nouvelle forme de guerre froide.

Conclu en 1991, deux ans après la chute du rideau de fer, le pacte de désarmement s'était embourbé depuis que George W. Bush avait choisi de décider tout seul, dans son coin, ce qu'il allait faire avec ses armes nucléaires. Le nouveau déblocage ne règle pas tout - le monde sans armes nucléaires promis par Barack Obama est encore loin. Mais hier, nous avons eu la confirmation d'un changement de cap aussi radical que rassurant.

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«Le succès génère l'autorité, et l'autorité génère le succès.» Les mots sont du journaliste et essayiste Thomas Friedman, de passage à Montréal cette semaine pour une conférence sur les défis climatiques auxquels fait face la planète.

Avec son coup double, Barack Obama a eu une semaine du tonnerre, a reconnu Thomas Friedman lors d'une rencontre avec La Presse. Selon lui, il n'y pas si longtemps, Barack Obama traînait une image de faiblesse, à la Jimmy Carter. Maintenant, il tient davantage d'un Ronald Reagan, un leader fort, capable de réaliser ses engagements.

Que fera donc, dorénavant, le président Obama de ce capital politique renfloué? S'en servira-t-il pour faire pression sur le gouvernement israélien, par exemple, et l'inciter à abandonner ses projets de construction à Jérusalem-Est? Le dossier du Proche-Orient figure-t-il sur la liste de ses priorités?

Thomas Friedman, qui se définit comme un optimiste et a longtemps travaillé comme correspondant dans cette région de la planète, juge que Barack Obama a déjà fait une démonstration de force en laissant le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou «entrer par la porte de service» dans la Maison-Blanche, où il l'a rencontré mardi.

Pas un seul point de presse commun, pas une photo où l'on voit les deux leaders l'un à côté de l'autre: Thomas Friedman y lit la marque d'un «Obama nouveau», plus ferme, requinqué par ses succès. «Son message a passé», croit-il.

Mais la rencontre Obama-Nétanyahou peut aussi être vue comme la seule fausse note de cette formidable semaine. Après tout, le leader de la droite israélienne n'a pas cédé d'un iota sur la question de Jérusalem-Est.

Si le président Obama veut le faire bouger, il a intérêt à faire vite. Car il ne jouira peut-être pas longtemps de sa nouvelle marge de manoeuvre politique: les élections de mi-mandat ne sont pas bien loin.

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À lire samedi: une grande entrevue avec Thomas Friedman réalisée par le journaliste François Cardinal.