Lorsque les portes du vestiaire du Canadien se sont ouvertes, après la victoire de jeudi soir, les joueurs attendaient les journalistes avec le sourire.

Jonathan Drouin, auteur d'un premier but en 17 matchs, rayonnait. Max Domi, entouré d'une dizaine de reporters, était d'excellente humeur. Shea Weber aussi.

À l'écart des caméras, sur sa banquette au fond du vestiaire, Jordan Weal attendait son moment. Comme un adolescent qui souhaite être invité sur la piste de danse. Le nouveau venu du Canadien avait raison d'espérer. Il venait de connaître un de ses meilleurs matchs en carrière. Un but. Une aide. La deuxième étoile. Quatre tirs. Six mises en jeu remportées en sept occasions.

Mais les journalistes continuaient leur ballet d'un joueur à l'autre sans s'arrêter auprès de lui. Un représentant du Canadien s'est approché de quelques-uns d'entre nous. « Quelqu'un veut parler au 43 ? » J'y suis allé, avec trois collègues.

Le sourire de Jordan Weal était plus grand encore que celui de Jesperi Kotkaniemi.

Dans l'euphorie, l'attaquant est resté modeste, comme le sont presque toujours les joueurs de soutien. Il a enfilé les clichés. « On travaille très fort là-dessus à l'entraînement. C'est le résultat de l'entraînement, de la préparation et de l'exécution sur la glace. Tout le monde a fourni sa part pour ce but. »

La scène m'a fait penser à la très belle chanson Hockey, d'Émile Bilodeau. L'histoire d'un gars qui donne beaucoup à son sport, mais qui est condamné au quatrième trio. Dans l'ombre des stars.

J'ai travaillé fort dans les coins pis j'ai fait mon échec avant

Mais tu sais que quand j'dis que j'ai fait mon échec avant là

Ça excuse pas le fait que c'est pas moi qui a le plus de talent

Dans l'équipe, c'est moi qui travaille le plus fort, 3e, 4trios, j't'habitué

Jordan Weal travaille fort pour faire sa place avec le Canadien. Plusieurs fans lui reprochent d'avoir « volé » du temps de glace à la recrue Jesperi Kotkaniemi. D'avoir sa chance sur la première unité en supériorité numérique. Pourtant, il surpasse les attentes. Je l'ai écrit mardi, il présente le meilleur indice Corsi de l'équipe en mars (tirs tentés contre tirs accordés à forces égales). Jeudi, son trio a obtenu 13 tirs, contre 4. Il excelle au cercle des mises en jeu - 58 % de réussite en mars. Il a inscrit deux buts et deux aides en sept rencontres.

Lorsque les autres journalistes sont allés recueillir les commentaires de Carey Price, je suis resté une minute de plus avec Jordan Weal. Je lui ai fait part de ses statistiques détaillées. Je voulais savoir laquelle à ses yeux avait le plus de mérite.

« Oh boy. Sérieux, je suis vraiment vieux jeu sur ces affaires-là. Moi, tant qu'on gagne, je suis heureux », m'a-t-il dit avec son sourire qui ne cessait d'élargir.

Quand j'bloque des shots, les belles filles dans les estrades trouvent ça hot

Pis pour me faire accroire, je m'en vais les voir pis je leur dis

« Ouais, c'est moi le 83, le gars qui a bloqué les pucks pis qui a mis 2 gars sul cul »

Y font : « Ouais, ouais c'était hot, mais nous autres on aimerait ça parler au gars de ton équipe qui a scoré les 2 buts »

Aux yeux des fans, des journalistes, de tout le monde en fait, il y aura toujours une plus grande star que Jordan Weal. Comme Carey Price, troisième étoile jeudi, qui n'a accordé que six buts à ses cinq derniers matchs. Jonathan Drouin, dont les images du but spectaculaire tournent en boucle à la télévision depuis 36 heures. Shea Weber, capable de téléguider des missiles au-dessus du bloqueur du gardien adverse.

Mais Jordan Weal ne mérite pas tout le venin que lui crachent les partisans. C'est un travailleur de l'ombre qui voit peu la lumière. Ses moments de gloire sont éphémères. Ses récompenses sont rares : jouer deux minutes de plus par match, commencer une période sur la glace, obtenir un essai en supériorité numérique. C'est le lot des joueurs de quatrième trio. Des gars qui, comme lui, en sont rendus à leur troisième équipe en un an et qui souhaitent juste prolonger le plus longtemps possible leur séjour dans la Ligue nationale.

Pis je me dis, je me dis c'est ça le hockey pis malgré tout estie que ça me fait tripper

DANS LE CALEPIN

• La semaine dernière, j'ai écrit que des hockeyeurs québécois de 14 ans étaient victimes d'attaques anonymes de la part d'adultes sur un forum de discussion. Des commentateurs se sont reconnus et ont présenté des excuses (anonymes). « Je n'ai pas vraiment réfléchi avant d'écrire », a indiqué l'un d'entre eux. La plupart des messages diffamatoires ont ensuite été effacés.

• L'avenir du 91,9 Sports se joue cette semaine. Le CRTC a jusqu'à mercredi pour approuver ou non la vente de la station à Leclerc Communications. Ce groupe souhaite obtenir la fréquence pour lancer une nouvelle chaîne musicale.

• En janvier, j'ai raconté l'histoire des Chevaliers de Lévis, une équipe midget AAA qui avait remporté plus de 40 matchs consécutifs. Les Chevaliers sont maintenant rendus en demi-finale, contre les Lions du Lac St-Louis. Avant le match d'hier soir, la série était égale 1-1.