Au propre comme au figuré, les policiers sont toujours proches de la galerie des frères Gao, deux artistes chinois qui ont osé sculpter un Mao avec des seins et un nez de Pinocchio. Pire, ils exposent leur oeuvre dans les galeries à l'étranger.

Attablé au café-terrasse installé sur le toit de sa galerie dans le quartier Dashanzi, Gao Zhen, l'aîné des deux frères, pointe le poste de police qui leur fait office de voisin. «Ils sont juste là, on n'a pas de voleurs!»

Pas de vols, mais de la visite, ça, ils en ont. Encore en fin de semaine, raconte Qiang, le plus jeune des deux, des policiers ont débarqué. Un livre contenant une photo de la statue de Mao – loin de l'image officielle qui orne encore tous les billets de banque chinois – était disponible aux visiteurs. Pas une bonne idée, leur ont fait comprendre leurs voisins à képi. « Si on ne l'enlève pas nous-mêmes, c'est eux qui vont l'enlever, nous ont-ils dit.»

Résultat, le livre a disparu des regards du public. Comme le sont les statues de Miss Mao, plus ou moins cachées dans un autre local, visible seulement sur demande depuis deux ans.

Hier, lors du passage de La Presse, ce ne sont pas des policiers qui étaient à la galerie, mais un inspecteur de la propreté. «L'endroit est propre», nous a confié l'inspecteur Ju, matricule 324 454.

N'empêche que les frères Gao sont nerveux. «En Chine, ils vont vous attraper pour un autre type de crime, pas pour un crime politique», explique Zhen. Leur café-terrasse est donc nickel, pas question de voir leur galerie fermée pour cause d'insalubrité.

Les frères Gao ont l'habitude des problèmes avec les autorités, eux qui ont vu leur père se «suicider» pendant la Révolution culturelle, selon le rapport officiel de l'époque. Privés de passeport pour aller présenter leurs oeuvres à l'étranger après les manifestations de la place Tiananmen en 1989, ils en ont obtenu un en 2003, quand Hu Jintao est devenu président.

Mais le retour des oeuvres en Chine pose parfois des problèmes. Ainsi, une Miss Mao est coincée aux douanes chinoises depuis «un mois ou deux», elle qui rentre d'une exposition à New York.

Les policiers sont-ils plus présents à cause des Jeux olympiques? Il croit que oui. «Peut-être qu'on aurait dû l'appeler Miss Dog ou Miss Cat!» ironise Zhen.

Bientôt à Montréal

Le quartier Dashanzi est devenu le domaine d'artistes prospères, qui vendent leurs toiles à des prix qui n'ont rien à envier à ceux de New York ou de Londres. Pendant l'entrevue, Zhen joue avec son iPhone et Qiang pitonne sur son MacBook.

La liste de leurs expositions internationales s'allonge : Paris, Barcelone et un prix à Mexico à la fin de l'année. Montréal est aussi sur leur itinéraire, mais Qiang ne se rappelle plus trop quelle galerie. À moins que ce ne soit Toronto?

Il retrouve finalement un courriel de la Galerie Art Mûr, à Montréal. Le codirecteur, Rheal Olivier Lanthier, confirme par courriel à La Presse qu'il est «en train de finaliser les détails concernant l'exposition des frères Gao». Celle-ci est prévue de la mi-novembre à la mi-décembre.