Ça y est, c'est reparti, la droite républicaine américaine ressort ses gros canons contre le candidat démocrate à la présidence.

En 2004, les groupes de droite «indépendants» ont réussi à couler John Kerry, ou du moins y ont fortement contribué, avec une campagne publicitaire dévastatrice (les fameux swifts boats) remettant en cause l'héroïsme du candidat démocrate lors de la guerre du Vietnam. (On accusait essentiellement John Kerry d'avoir trahi ses anciens compagnons d'armes en affirmant que certains soldats américains avaient commis des crimes de guerre au Vietnam.)

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Cette fois, les mêmes militants «indépendants» attaquent Barack Obama, d'abord dans un livre et éventuellement dans une campagne publicitaire, en laissant entendre que celui-ci a continué à consommer de la drogue bien après ses années de collèges, comme il le dit lui-même dans son autobiographie.

L'auteur du livre Obama Nation, leftist politics and the culture of personnality, Jerome Corsi, le même qui avait publié le pamphlet anti-Kerry en 2004 (Unfit for command), accuse aussi Barack Obama d'avoir camouflé ses liens réels avec l'islam et d'avoir assisté à l'un des sermons enflammés de son ancien pasteur Jeremiah Wright.

Foutaises, a répondu le clan Obama, mais le croisé Corsi persiste et signe. «Le but (du livre), a-t-il répondu franchement au New York Times, c'est de battre Obama. Je ne veux pas le voir à la présidence.» Voilà qui a le mérite d'être clair. Les affirmations du pamphlétaire, par contre, le sont beaucoup moins. Mais au diable l'épreuve des faits.

Un chroniqueur du NYT, par exemple, a noté qu'il était impossible que Barack Obama assiste au sermon du révérend Wright à Chicago, comme l'affirme M. Corsi, puisque le candidat démocrate prononçait au même moment un discours en Floride. «Vous pouvez tatillonner sur la date si vous voulez, mais tout ce que je veux démontrer, c'est qu'Obama est très proche du révérend Wright», s'est défendu M. Corsi, qui affirme en outre qu'un groupe indépendant financera prochainement une campagne publicitaire anti-Obama.

Il est trop tôt pour dire si les attaques couleront en effet le jeune candidat démocrate, comme elles ont coulé John Kerry en 2004, mais on note déjà ces jours-ci dans les sondages un fléchissement de ses appuis.

Les campagnes américaines, c'est bien connu, ne font pas dans la dentelle. Les deux grands partis repoussent régulièrement les limites de la campagne négative, une pratique beaucoup moins utilisée de ce côté-ci de la frontière. À côté des pubs du tandem Bush-Cheney contre John Kerry, en 2004, ou de celles de John McCain cet été contre Barack Obama, les pointes des conservateurs de Stephen Harper contre Stéphane Dion ont l'air de blagues nounounes du Festival Juste pour rire.

L'autre différence majeure entre les campagnes américaines et les nôtres, c'est l'influence des groupes « indépendants », qui déversent des centaines de millions pour défendre leur idéologie. Et taper sur leurs ennemis. Ici, la loi oblige les groupes de pression à se placer sous le parapluie des partis et leurs dépenses sont comptabilisées et plafonnées.

Aux États-Unis, ces groupes ne peuvent faire campagne ouvertement pour un candidat, mais rien ne les empêche de marteler le candidat de l'autre parti. Ainsi, en 2004, c'est le groupe Swift boat vets for truth qui a lancé, grâce à un don de 2 millions du magnat texan du pétrole T. Boone Pickens, la fameuse campagne publicitaire. Du côté démocrate, de généreux donateurs comme George Soros fournissent aussi des fonds aux groupes indépendants.

Officiellement, il n'y a aucun lien entre Jerome Corsi, le pourfendeur de Barack Obama, et les républicains, mais son bouquin est publié par la même maison qui publiera les très attendus mémoires de Karl Rove, le fidèle conseiller des Bush, père et fils. Communauté de pensée, disons.

En plus de pouvoir dépenser sans compter, les «indépendants» peuvent aussi aller beaucoup plus loin que n'oseraient les partis eux-mêmes. George W. Bush, par exemple, n'aurait pas osé attaquer l'héroïsme de John Kerry au Vietnam, lui qui a profité de contacts familiaux pour ne pas y servir.

Idem pour le livre de Jerome Corsi : lui peut suggérer que M. Obama consomme encore de la drogue, mais John McCain ne s'y risquerait pas. Surtout pas sans preuve.

Le plus ironique de l'affaire, c'est que les dépenses des groupes indépendants dans les campagnes ont explosé (de 151 millions aux élections de mi-mandat à 405 millions aux présidentielles de 2004) en grande partie à cause de... John McCain. C'est en effet le sénateur de l'Arizona, en collaboration avec son collègue démocrate du Wisconsin, Russ Feingold, qui ont présenté un projet de loi limitant les dépenses des partis politiques, ouvrant tout grand la porte aux « indépendants ».

Cela dit, le clan McCain ne s'est pas gêné pour dépeindre Barack Obama comme un politicien arrogant et inexpérimenté, incapable de diriger le pays. Les républicains l'ont même ridiculisé en le traitant de « plus grande vedette internationale » et en le comparant à Moïse ouvrant les eaux (avec, ô ironie, les images d'un vieux film de Charlton Heston).

Encore là, c'est le même coup qu'en 2004 : les républicains essayent de transformer les plus grandes forces de leur adversaire en faiblesse fatale.