«Un mensonge peut faire le tour de la Terre le temps que la vérité mette ses chaussures.» -Mark Twain

Mark Twain, l'écrivain américain mort il y a maintenant près de 100 ans, n'était pas à Pékin vendredi, ni devant sa télé durant tout le week-end à regarder les Jeux olympiques.

Mais en matière de vrai et de faux et de communication, il avait apparemment déjà tout compris.

S'il avait vécu un peu plus longtemps, peut-être aurait-il lui-même inventé la phrase «Ça, c'est arrangé avec le gars des vues». Ou peut-être aurait-il remarqué, lui aussi, qu'il y avait trop de perfection dans la cérémonie d'ouverture des Jeux pour qu'on y croit totalement.

À Pékin, il aura fallu trois jours pour que la vérité mette ses chaussures. Des baskets Adidas ou Nike ou Puma, je ne sais plus trop, et qu'elle commence elle aussi à faire le tour du monde.

Lundi, comme un chat, elle a commencé à sortir la tête du sac.

D'abord, avons-nous appris, une partie des images du spectacle de feux d'artifice vues à la télévision ont en fait été retouchées numériquement. Une histoire de netteté et de difficulté à tourner dans le ciel, un peu nébuleuse. C'est le Beijing Times qui a sorti l'affaire et le vice-président du Comité d'organisation des Jeux, cité dans Le Monde, a confirmé. «Il se peut que...», a-t-il admis, des images précédemment tournées aient été utilisées pour créer dans le ciel l'impression de traces de pas marchant le stade.

Il se peut aussi qu'on y ait cru et qu'on se sente aujourd'hui floués et que le doute ait commencé à faire du chemin dans nos têtes. Mais ce n'est pas tout.

Hier, on a aussi découvert que la petite fille si parfaitement mignonne et vêtue de rouge qui a charmé les spectateurs au début du spectacle avec sa voie cristalline, chantait en réalité en play-back. Elle bougeait les lèvres, mais la voix que l'on entendait était celle d'une autre, pas assez jolie et expressive aux yeux d'un des membres de la haute direction du Parti communiste chinois, qui a demandé qu'elle soit remplacée par une fillette plus photogénique pour représenter la nation devant le monde entier.

Mensonge numéro deux, donc.

Quel sera le prochain?

Vendredi, la cérémonie était trop parfaite. C'était évident. Mais on ne voulait pas le croire.

On a beau savoir que la transparence ne fait pas partie des valeurs fondamentales du régime politique chinois et on a beau avoir des doutes sur l'honnêteté de toute l'opération olympique, puisque le dopage fait partie intégrale du paysage depuis des années, vendredi, on voulait tout oublier. On voulait décrocher de nos doutes et arrêter de se prendre la tête sur la réconciliation impossible de nos réticences politiques et du plaisir ludique qu'apportent ces compétitions. Vendredi, on voulait se reposer l'esprit, cesser d'entendre ce qu'on nous dit sur le Tibet, les prisonniers d'opinion, les violations des droits de l'homme. On voulait regarder le spectacle.

«Le secret pour voyager d'une façon agréable consiste à savoir poliment écouter les mensonges des autres et à les croire le plus possible», a un jour écrit Dostoïevski.

Et ne sommes-nous pas tous un peu en voyage à Pékin?

Il faut dire qu'un empereur tout nu, c'est pas mal moins mignon qu'une petite fille avec des lulus.