Il y aura fort probablement des élections à l'automne. Le premier ministre Stephen Harper a exprimé à plus d'une reprise son intention de briser l'impasse politique à Ottawa. En toute logique, on suppose qu'il espère ainsi former un gouvernement majoritaire.

Mais pourtant, depuis le début de l'été, le premier ministre et les membres de son gouvernement multiplient les gestes qui les empêcheraient d'atteindre cet objectif et qui expliquent sans doute pourquoi, malgré la faiblesse de l'opposition, ils ne font pas mieux dans les sondages.

Une foule de petits gestes qui, pris un à un, ne constituent pas des enjeux électoraux majeurs, mais qui finissent par envoyer un message. Celui que les conservateurs de M. Harper n'ont pas changé, qu'ils défendent des valeurs avec lesquelles bien des Canadiens ne sont pas à l'aise.

Plus que jamais, le jupon conservateur dépasse. Ou plus précisément, le jupon du conservatisme social, issu du courant réformiste, avec ses préjugés, ses croisades idéologiques, son inflexibilité. Ce dogmatisme rural compromet la capacité des conservateurs de convaincre l'électorat urbain et de s'imposer comme véritable parti de pouvoir.

L'initiative qui a suscité les plus vives réactions est la mise à mort de sept programmes d'aide aux arts, et plus particulièrement de soutien à la promotion de la culture canadienne à l'étranger. Ce qui a choqué, c'est le pourquoi. Derrière les arguments budgétaires, les porte-parole conservateurs ont multiplié les allusions à leur refus d'aider des artistes marginaux, inconvenants ou gauchisants, exprimant ainsi leurs préjugés les plus simplistes sur l'art et la création.

Le ministre de la Santé, Tony Clement, a lui aussi envoyé de troublants messages avec sa bataille hystérique contre Insite, un site d'injections contrôlées pour toxicomanes à Vancouver. Cette approche pour réduire les problèmes associés à la toxicomanie, notamment la propagation du sida, encouragée par l'Organisation mondiale de la santé, ne fait pas l'unanimité. Mais les réserves qu'elle peut susciter ne justifient pas l'agressivité du ministre. Celui-ci est allé faire un fou de lui en la dénonçant au début du mois à Mexico, lors de la 17e conférence internationale sur le sida à Mexico et il poursuit depuis sans relâche une croisade qui relève plus de la loi et de l'ordre que de la santé.

C'est la même image, celle d'un pays rétrograde, que le Canada propose en étant devenu le seul pays industrialisé qui n'a pas rapatrié ses ressortissants emprisonnés dans le sinistre camp de Guantanamo. Même les Britanniques, indéfectibles alliés des États-Unis, ne sont pas allés aussi loin. Le gouvernement Harper a choisi d'y laisser croupir Omar Khadr et de faire confiance à un processus judiciaire profondément vicié. C'est une véritable honte, car l'histoire d'Omar Khadr est manifestement celle d'un enfant-soldat, arrêté en Afghanistan à l'âge de 15 ans, dans un affrontement contre les troupes américaines, entraîné dans le combat par son père partisan d'Al-Qaeda.

Le Canada de Stephen Harper se distingue également dans un autre combat, celui des rapports avec la Chine. Le premier ministre Harper est l'un des rares leaders mondiaux à avoir boudé les cérémonies d'ouverture des Jeux de Pékin, en évoquant de peu convaincants problèmes d'agenda. Un geste qui s'ajoute à la foule de messages d'hostilité envers la Chine envoyés par le Canada depuis la victoire conservatrice et qui ont mené à une détérioration des rapports avec ce pays. En principe, M. Harper défend une noble cause. Mais avec son intransigeance, il a choisi une voie inefficace pour accompagner la Chine sur la voie de la démocratie. L'image qu'il projette, ce n'est pas celle d'un défenseur des droits, mais plutôt l'anticommunisme primaire et le moralisme rigide d'un «preacher» de campagne.

En environnement, pourtant le dossier noir des conservateurs, le gouvernement n'a rien fait pour dissiper l'impression qu'il combat le réchauffement climatique à reculons. Dans un incident révélateur, le ministre de la Santé, Tony Clement, encore lui, a commis une bévue révélatrice en enterrant un rapport commandé par son ministère sur l'impact du réchauffement sur la santé. Santé Canada a publié un communiqué absolument fascinant, qu'il faut lire (www.hc-sc.gc.ca/ahc-asc/media/nr-cp/_2008/2008_122-fra.php). Pas le moindre mot sur le contenu du rapport, une apologie des réalisations environnementales du gouvernement. La cerise sur le sundae: le rapport n'est pas disponible sur Internet. Pour le lire, il faut le commander! En 2008. Vive la transparence...

Cette liste de petits gestes est évidemment subjective et sans doute injuste pour le gouvernement conservateur. Elle illustre le fait que je suis moi-même un urbain que la droite morale irrite au plus haut point. Le problème des conservateurs, c'est qu'il y en a des millions comme moi.