Huit athlètes chinois suspendus, certains à vie. Riccardo Ricco, Manuel Beltran et Duenas Nevado positifs à l'EPO au Tour de France. Un anabolisant, le clenbuterol, trouvé dans les urines de la nageuse américaine Jessica Hardy. À la veille des Jeux olympiques de Pékin, l'actualité s'est chargée de nous rappeler que le dopage, malgré tous les efforts pour l'éradiquer, continue de hanter le sport de haut niveau.

N'en doutez pas : il y aura des athlètes dopés à la testostérone, à l'hormone de croissance humaine ou à l'érythropoïétine (EPO) à Pékin. Plusieurs passeront à travers les mailles du filet, mais il s'en trouvera assurément quelques-uns pour se faire épingler par les 4500 tests – un record – administrés pendant les Jeux : le président du Comité international olympique, Jacques Rogge, prévoit environ 40 contrôles positifs, contre 26 à Athènes, en 2004.

Mais en marge des produits dopants classiques, une nouvelle forme de technique d'amélioration de la performance pourrait connaître cet été son baptême olympique, à la barbe de ceux qui traquent les tricheurs : le dopage génétique.

Pure science-fiction? Pas si sûr. Dans un documentaire diffusé en juillet par la chaîne allemande ARD, un médecin chinois filmé à son insu affirme que, pour 24 000 $, il peut offrir à un nageur américain (fictif) un traitement aux cellules souches censé améliorer sa performance.

«Ça renforce la fonction pulmonaire et les cellules souches vont dans le sang pour atteindre les organes, explique le médecin. Cela prend deux semaines. Je recommande quatre injections intraveineuses... 40 millions de cellules souches ou le double – plus il y en a, mieux c'est.»

Les auteurs du documentaire y voient la preuve de l'utilisation à des fins dopantes de la thérapie génique – une affirmation qui laisse certains experts perplexes. «Je me demande ce que l'administration de cellules souches par intraveineuse peut donner à des athlètes», a dit Patrick Diel, expert allemand du dopage, qui s'est dit néanmoins horrifié par les risques pour la santé que le traitement offert en Chine pourrait présenter.

Le revers de la thérapie génique

Que le médecin chinois du documentaire d'ARD soit crédible ou non ne change rien à une inquiétante réalité : le dopage génétique est à nos portes. «Ça pourrait arriver dès Pékin. Nous pensons tous que c'est inévitable dans un futur proche. C'est au plus une question d'années, pas de décennies», dit Theodore Friedmann, directeur du programme de thérapie génique de l'Université de Californie à San Diego et président du groupe d'expert sur le dopage génétique de l'Agence mondiale antidopage (AMA).

L'avènement possible du dopage génétique découle des progrès accomplis depuis quelques années dans les techniques de transfert de gènes, utilisées sur une base expérimentale pour le traitement de maladies potentiellement mortelles.

«La plupart des experts ne pensent pas que le transfert de gènes soit déjà utilisé par des sportifs, mais nous savons qu'il existe un intérêt croissant de la part de certaines personnes du monde sportif pour le potentiel du dopage génétique», a dit en juin le vice-président de l'AMA, Arne Ljungvist.

«Des scientifiques travaillant sur des méthodes génétiques visant à soigner des maladies telles que la dystrophie musculaire ou des problèmes sanguins ont été sondés par des membres de la communauté sportive intéressés à utiliser des gènes dans le sport.»

Que ce soit pour faciliter le transport de l'oxygène dans le sang ou pour augmenter la masse et l'endurance musculaire, les possibilités d'utilisation du transfert de gènes à des fins dopantes ne manquent pas, en effet. Et les connaissances scientifiques requises n'ont rien d'extraordinaire.

«Je suis prêt à parier que dans une ville comme Montréal, il y a deux ou trois mille personnes qui seraient capables de le faire, dit le professeur Friedmann. Il suffirait d'une équipe de trois ou quatre jeunes diplômés en biologie moléculaire et en génétique.»

Le hic pour les apprentis sorciers, et il est de taille, c'est que la thérapie génique est encore loin d'être sans danger. Des patients traités par cette voie ont été atteints de leucémie, par exemple.

«L'utilisation du transfert de gènes, sauf pour le traitement des maladies les plus sérieuses est contraire à l'éthique et prématurée et représenterait une faute professionnelle dans n'importe quel pays du monde», dit le professeur Friedmann, qui ne se berce pas d'illusions pour autant.

«Le sport est un domaine où la prise de risques est fréquente et où des sommes d'argent considérables sont en jeu. Tout cela conspire pour rendre plus probable le recours au dopage génétique , dit-il. Je ne serais pas surpris d'ouvrir mon journal un matin et d'apprendre que quelqu'un a fait du mal à un athlète en utilisant le transfert de gènes. Ce serait triste, mais ce ne serait pas une surprise.»