Les Nations unies ont décrété 2012 «année internationale des chauves-souris», dans le but de mieux faire apprécier et protéger ces créatures méconnues. Soyons clair: la chauve-souris ne s'accroche pas aux cheveux, il n'y a aucune chauve-souris vampire sous nos latitudes et bien que ces mammifères volants soient parfois porteurs du virus de la rage, les possibilités de contamination sont quasi nulles. En réalité, ces animaux fascinants jouent un rôle insoupçonné et leur survie est loin d'être acquise.

Alors qu'en Chine, elles symbolisent bonheur et longévité, les chauves-souris sont mal aimées en Amérique du Nord. Victimes de préjugés tenaces, les chiroptères jouent pourtant un rôle écologique essentiel. Un seul de ces «démousticateurs» spécialistes peut consommer chaque nuit jusqu'à 8g d'insectes, soit plus de 3000 moustiques, ce qui diminue d'autant la propagation des maladies transmises par les insectes piqueurs.

Bon nombre des insectes capturés par les chauves-souris constituent aussi des déprédateurs des cultures et des plantations. Une colonie de 150 sérotines brunes peut consommer annuellement jusqu'à 1,3 million d'insectes nuisibles. Aux États-Unis, on a estimé à 183$ par hectare la valeur annuelle des chauves-souris insectivores en milieu agricole, dont l'action prédatrice permet de réduire d'autant l'utilisation d'insecticides. Pour l'ensemble du monde agricole américain, il s'agit d'un apport économique annuel de 22,9 milliards de dollars!

Cette importante contribution des chauves-souris à la prévention sanitaire et à la productivité agricole est en péril. Les chauves-souris sont intoxiquées par les pesticides, on les déloge de bâtiments où elles trouvent parfois refuge, et on les extermine souvent sans raison valable.

Depuis 2006, dans le nord-est de l'Amérique, des millions de chauves-souris ont par ailleurs été décimées par une infection fongique appelée syndrome du museau blanc. Cette infection est causée par un champignon blanc microscopique (Geomyces destructans) qui se développe sur le museau, les oreilles ou la membrane des ailes des chiroptères. Les chauves-souris infectées se réveillent plus fréquemment durant l'hibernation et meurent de froid ou de faim. À cause de cela, trois des huit espèces de chauves-souris présentes au Québec sont considérées en voie de disparition.

Les parcs éoliens causent aussi d'importantes mortalités chez les chauves-souris, notamment au moment des migrations automnales. La chauve-souris rousse représente plus du tiers des mortalités de chiroptères causées par les éoliennes. Les animaux attirés par ces hautes structures perçues comme des aires de repos potentielles succomberaient à une hémorragie interne causée par la chute de pression de l'air lors de la rotation des pales de l'éolienne. Au rythme où progresse le développement des parcs éoliens, on estime que dans le nord-est des États-Unis et du Canada, plus de 100 000 chauves-souris pourraient périr chaque année. Il est pourtant possible de prévenir ces pertes en réduisant la vitesse de rotation des éoliennes lors de certaines périodes critiques.

Les chauves-souris constituent d'excellents indicateurs de la santé des écosystèmes et leur contribution économique est exceptionnelle. Cet automne, soyez indulgents à l'égard de ces créatures si d'aventure elles élisent domicile dans votre demeure; évitez de déranger les chauves-souris en hibernation et, si le coeur vous en dit, construisez-leur un nichoir adapté à leurs besoins. Comme le croient les Chinois, votre bonheur en dépend.