Je m'installe à ma terrasse, une bière froide à la main. La voisine sort, cigarette au bec et cellulaire vissé au crâne. Le voisin d'en face démarre la tondeuse rugissante et le gars d'à côté, les deux mains sur les guidons, élance furieusement une jambe sur la pédale de sa Harley. Je souhaite déménager. Mais où?

Je m'installe à ma terrasse, une bière froide à la main. La voisine sort, cigarette au bec et cellulaire vissé au crâne. Le voisin d'en face démarre la tondeuse rugissante et le gars d'à côté, les deux mains sur les guidons, élance furieusement une jambe sur la pédale de sa Harley. Je souhaite déménager. Mais où?

De toute mon existence, la seule fois où j'ai expérimenté un silence, si entier, si étrange que j'en fus secouée, moi, la Montréalaise, c'était en 1980 au creux de l'hiver nord-albertain, pendant un séjour avec le groupe Katimavik. Dans une cabane naufragée sur un champ de neige, un vertige émotionnel me poussa à créer un stimulus sonore afin de parvenir, ne serait-ce qu'à m'endormir. Quel paradoxe de fou!

Incapable de supporter l'amplitude du silence, le seul moyen de retrouver le calme était d'écouter Chris de Burgh, murmurant le plus bas possible Eastern Wind, par le truchement d'une rudimentaire radio-cassette.

Aujourd'hui, jamais le silence n'a été plus éloigné de moi.

Ces jeunes, que l'on qualifie généreusement de loosers, de bons à rien, de fainéants, de petits princes, sont plus intelligents que nous. Avec leur naturelle aptitude à apprendre, ils ont compris plus vite que la vieillesse arrogante.

Fulgurante montée commerciale des trucs qui monopolisent l'ouïe, ils ont compris. Ils s'exilent en eux-mêmes, entre deux minuscules amplificateurs intégrés dans leurs oreilles et ils textent. Tout silence avec l'extérieur, ils communiquent en abrégé et ainsi, font taire les incessants babillages, irrités par le tapage causé par les engins électroniques et mécaniques. Nos jeunes se replient victorieusement sur leur monde. Les oreilles greffées d'écouteurs, ils savourent la paix créée par la musique.

Comme eux, le silence me fuit. Submergée d'une abracadabrante cacophonie.

Et bizarrement, je fuis le silence. L'instinct me pousse au bruit pour contrer l'approche infirme de la surdité. Sale peur de vieillir.

Je me souviens maintenant. La musique. La réponse apaisante dans ce monde de fou. Par la sainte grâce de l'Éternel, il nous reste encore des musiciens sur la Terre...