Quelle honte ! Parce qu'on n'a pas eu la chance d'être traité à temps, parce qu'il n'y a pas de dépistage systématique, parce que les urgences sont engorgées, parce que tout simplement on n'a pas voulu déranger, on meurt.

Quelle honte ! Parce qu'on n'a pas eu la chance d'être traité à temps, parce qu'il n'y a pas de dépistage systématique, parce que les urgences sont engorgées, parce que tout simplement on n'a pas voulu déranger, on meurt.

Quelle tristesse de voir des hôpitaux dans un état de délabrement avancé, des salles d'attente vétustes sans la moindre chaleur humaine, des appareils désuets et puis surtout des couloirs où l'on jette aux ordures la dignité de l'homme.

Quelle aberration de voir ces médecins venus d'Europe, du Moyen-Orient, du Maghreb ou d'Afrique noire, compétents, expérimentés, volontaires qui ont fait leurs études dans les plus grandes écoles de médecine, aussi aptes si ce n'est plus, prêts à aider un système englué, mais qui ne peuvent le faire parce qu'une corporation privilégiée protège ses acquis.

Vergogna a te, crieraient les Italiens à tous ces politiciens incapables de régler une fois pour toutes le problème par manque de bon sens, de compétences, de volonté politique et surtout parce qu'aucun d'entre eux ne doit faire face à la misère des pauvres gens. Leurs contacts leur assurent un accès aux meilleurs soins sans attente.

Quel respect pour cet extraordinaire peuple québécois, quelle résilience: ils attendent des journées entières avec leurs enfants dans des urgences pourries pour voir un médecin, sans se plaindre. Après quelques heures, ils vont chercher leur lunch ou leur souper et reviennent s'asseoir quand ils le peuvent, un ou deux enfants dans les bras épuisés par l'attente, anxieux pour leurs petits avec leur solitude de patient ordinaire.

S'ils étaient Français ou Italiens, ils auraient déjà mis à sac quelques urgences, le ministre de la Santé serait obligé de vivre cloîtré, protéger par des gardes du corps. En fait, cela n'arriverait pas dans ces pays où la mèche est courte, la révolution de la santé aurait déjà eu lieu.

J'admire ces gens résignés qui ont accepté leur sort, celui d'être mal servis, d'être mal ou de ne pas être soignés parce qu'ils n'ont pas accès à un médecin. Ces gens qui acceptent après de longues heures d'angoisse de rester trois minutes dans une salle austère pour passer en quatrième vitesse devant un individu (médecin blasé, malheureusement résigné lui aussi qui n'a pas le temps bien souvent d'écouter leurs douleurs et de les examiner correctement tellement son temps est compté).

Ces patients qui lisent en rentrant dans l'urgence les écriteaux indiquant que la violence verbale ne sera pas tolérée, ils baissent la tête, se rassoient et attendent, sans doute parce que l'histoire collective de leur oppression passée les empêche de crier, de sortir de leurs gonds pour réveiller le monstre de la santé québécoise sclérosée de bureaucratie.

Je prône une révolution «pas tranquille» de la santé. J'espère que les Québécois auront un jour le courage comme leurs cousins outre-Atlantique de descendre en masse dans la rue, de dire que c'est assez, que 24 heures dans une urgence à Montréal c'est trop, que nos aînés qui traînent des jours dans une camisole entrouverte dans un couloir d'urgence méritent mieux, que ces traitements sont indignes d'un pays si riche que le nôtre, qu'on ne doit pas mourir de vivre au Québec.