Jour de l'An 2011 chez ma belle-famille. Comme, je l'imagine, dans la majorité des rencontres familiales des Fêtes, un neveu passe la soirée la tête penchée sur un petit écran pour jouer à quelques jeux lumineux, une cousine dans la trentaine toujours prête à dégainer son iPhone pour y lire et écrire des messages textes, parenthèses virtuelles de plus en plus fréquentes en société.

Jour de l'An 2011 chez ma belle-famille. Comme, je l'imagine, dans la majorité des rencontres familiales des Fêtes, un neveu passe la soirée la tête penchée sur un petit écran pour jouer à quelques jeux lumineux, une cousine dans la trentaine toujours prête à dégainer son iPhone pour y lire et écrire des messages textes, parenthèses virtuelles de plus en plus fréquentes en société.

Plus tard, mon beau-père joue à un jeu de sport électronique qu'il a reçu à Noël, la console Wii de Nintendo. On pourra dire que, contrairement à d'autres jeux, celui-ci favorise les contacts physiques, comme peuvent en témoigner les pauvres petits-enfants qui ont reçu plusieurs coups de raquette, de boule de quille et de ballon imaginaires contrôlés par les manettes de leur enthousiaste grand-père.

Pendant ce temps, devant l'ordinateur, une sorte d'oncle par alliance, je ne sais plus trop, joue à un jeu de guerre en ligne, le dos courbé, les yeux hagards, le visage traversé par des nuages de lumière blafarde. Plus loin, une discussion animée entre nerds et hipsters sur les derniers jeux vidéo, les uns portant les médailles médiévales de leur avatar et les autres arborant des t-shirts de marque de tracteur agricole comme si leur idole était John Deere.

Ce n'est qu'un portrait, j'aime ces gens et je ne veux pas les réduire à ces simples détails comportementaux. Mais je crains que ces détails ne soient pas si anodins.

J'ai l'âge de celui qui est né dans un monde où la télévision faisait partie des meubles. En fait, elle en était un beaucoup plus qu'aujourd'hui et la couleur des images se limitait aux teintes de gris. Amateur de science-fiction, je considérais les mondes extraterrestres avec un mélange de fascination et de peur. Au cinéma, à la télé ou dans les comic books, la représentation que l'on faisait de ces civilisations hypothétiques (toujours supérieures d'un point de vue technologique mais inférieures moralement, car humanoïdes mais non humaines) était caractérisée par le fantasme d'une technologie toute-puissante et potentiellement destructrice. Et notre imaginaire a été marqué par cela. Par le biais de ces fantasmes est apparue une esthétique technologique qui fait de nous des prétendants à cette magie étincelante où les doigts ne font qu'effleurer une interface pour que défile la réponse à nos désirs. Fascinés par ces petites lampes magiques, nous les avons indéniablement associés au progrès.

Avec nos yeux et nos oreilles, nous avons accès à toute la culture du monde, mais sommes-nous cultivés et instruits? Nous sommes branchés plus que jamais, mais sommes-nous connectés au monde sur lequel nous vivons? Ces distractions et autres réalités virtuelles qui captent de plus en plus notre attention deviennent-elles un obstacle au réel? Cachent-elles un conformisme aliénant? Les promesses du meilleur des mondes virtuels sont-elles celles d'un monde meilleur? Est-ce nécessairement là que réside le progrès?