Sept objets marquants de l’année 2020, selon notre équipe éditoriale

Mouche

On ne décerne habituellement pas de trophée à la mouche de l’année. Ce pauvre insecte à l’allure ingrate n’a pas l’habitude de se retrouver dans les palmarès. Convenons aussi qu’une mouche est tout sauf un objet… mais on n’a pas trouvé d’autre catégorie où la classer pour lui rendre l’honneur qu’elle méritait ! Car ce n’est pas rien : une mouche a presque volé la vedette à Mike Pence et Kamala Harris lors du seul et unique débat entre les deux candidats à la vice-présidence des États-Unis. Faites le test. Vous rappelez-vous d’une citation de l’un ou de l’autre ? Mais la mouche, vous vous en souvenez ? C’est bien ce qu’on pensait !

— Alexandre Sirois

Masque

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Un passant porte un masque dans les rues de Montréal.

Oh qu’il a fait couler de l’encre, cette année, cet objet pourtant banal ! Le plus triste, c’est qu’on ait instrumentalisé le port du masque. Si bien que le masque est devenu, pour beaucoup, un marqueur identitaire. C’est encore plus flagrant chez nos voisins du Sud, où les sondages démontrent que davantage de démocrates que de républicains sont favorables au port du masque. On se désole de cette politisation d’une des mesures les plus efficaces pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Estimer que l’État empiète sur notre liberté en l’imposant dans les commerces est une aberration. Car après tout, sans la santé, point de liberté.

— Alexandre Sirois

Écouvillon

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Un test pour la COVID-19 est réalisé sur une employée de CHSLD.

À moins d’être un professionnel de la santé, vous ignoriez probablement son existence avant que la pandémie de COVID-19 ne nous tombe dessus. L’écouvillon velouteux, cette longue tige à la pointe recouverte de ouate, permet de traquer le SARS-CoV-2 en procédant à des prélèvements au fond de notre nez et de notre gorge. Dans les premières semaines de l’épidémie de COVID-19, on a craint une pénurie de cet objet d’apparence banale dont l’usage s’est répandu à la faveur des campagnes de dépistage successives. S’il y a une image qui incarne cette période pandémique, c’est bien celle d’un nez renversé accueillant l’écouvillon porteur de bonnes ou mauvaises nouvelles.

— Agnès Gruda

Tasse à mesurer

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Un jour, les psychologues étudieront peut-être l’impact de la fabrication du pain sur l’anxiété.

Vous avez fait du pain durant la première vague de la pandémie ? Nous aussi. Compulsivement. Une recette facile à faire, temps de pétrissage limité, trois tasses et demie de farine, une tasse et trois quarts d’eau, une demi-cuillerée de levure, du sel, faire lever toute la nuit, repétrir un peu, mettre au four et bingo. Un jour, les psychologues étudieront peut-être l’impact de la fabrication du pain sur l’anxiété. Retenons que l’odeur du pain qui cuit et la texture d’une belle croûte peuvent injecter une dose de soleil dans un jour de confinement. Une question demeure : pourquoi avons-nous remisé la tasse à mesurer pendant la deuxième vague ?

— Agnès Gruda

Livre

IMAGE TIRÉE D’UNE VIDÉO FACEBOOK

François Legault a présenté ses prescriptions littéraires au mois de novembre.

Qui aurait dit qu’un livre deviendrait un objet controversé en 2020 ? La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a essuyé des reproches pour avoir publié une bande dessinée en pleine pandémie. François Legault, lui, s’est retrouvé au centre d’une controverse tout aussi déplorable. Il a accepté de bonne foi une invitation de l’Association des libraires à soumettre des suggestions de lectures. Mais la présence dans sa liste d’un essai rédigé par le controversé Mathieu Bock-Côté a provoqué une tempête dans un verre d’eau et le retrait temporaire de ses suggestions du web. Misère, fois deux. Peut-on reconnaître que nos politiciens ont le droit d’avoir du temps libre et d’en faire ce qu’ils veulent ? Et qu’il est réjouissant de les voir faire partager leurs idées et leurs expériences par la lecture et l’écriture… même si leurs goûts ne plaisent pas à tous ? Ce serait évidemment plus simple si nos dirigeants s’écrasaient devant Netflix après leurs journées de travail…

— Philippe Mercure

Papier de toilette

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Une cliente sort d'un Walmart avec de nombreux rouleaux de papier de toilette le jour de l’annonce du Grand Confinement.

Les spécialistes de la nature humaine ont dû être appelés en renfort pour nous expliquer le phénomène. Au début de la pandémie, des gens se sont rués dans les magasins pour se procurer du papier de toilette, allant jusqu’à s’invectiver et à provoquer des bousculades à coups de paniers chez Costco. Pas pour des médicaments. Pas pour de la nourriture. Pour du papier de toilette. « Il n’y a pas lieu de se battre pour acheter des articles », a dû intervenir le porte-parole du Conseil canadien du commerce de détail – une déclaration qui est tellement remplie de bon sens qu’on se demande comment elle a pu être prononcée. C’était sans doute le premier signe qu’en temps de crise, il ne faut pas tenir le côté rationnel de l’être humain pour acquis. Un constat qui a malheureusement été maintes fois vérifié depuis.

— Philippe Mercure

Tentes

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Les tentes du campement de la rue Notre-Dame, à Montréal, début décembre

On en a vu certaines plantées illégalement sur les plages de Percé et de Gaspé. Il y a eu toutes celles que les Québécois privés de voyages à l’étranger ont déployées dans les parcs nationaux et provinciaux de la province l’été dernier, montrant un intérêt réjouissant pour le plein air et nos paysages. Et il y a celles, beaucoup plus tristes, du vaste campement installé en bordure de la rue Notre-Dame et qui a rassemblé un moment jusqu’à 100 personnes. Cette petite communauté improvisée rappelle à quel point une crise comme la pandémie fragilise les gens les plus vulnérables de notre société. Au début décembre, face au risque d’incendie, le campement a dû être démantelé. L’approche semble avoir été bien faite, sans répression. Mais ces campeurs urbains auront montré toute l’importance pour les sans-abri d’avoir un coin à soi, 24 heures sur 24, ce que les refuges n’offrent malheureusement pas. La construction d’habitations à loyer modique à Montréal n’a jamais semblé plus urgente.

— Philippe Mercure