Dans son texte intitulé « La thèse du grand remplacement », Boucar Diouf écrit sur « les extrémistes identitaires qui croient déjà dur comme fer que l'islamisation de l'Europe est en marche ». Il est particulièrement consternant d'apprendre que l'auteur des attentats en Australie s'en est inspiré.

Dans son livre Le mythe de l'islamisation, le sociologue et philosophe Raphael Liogier écrit que le mot « islamisation » a vu le jour dans les années 2000. Le terme fait référence à la perception que la population musulmane « s'accroîtrait dangereusement » et « chercherait à submerger... l'Europe ».

Liogier fait un constat particulièrement troublant : « Si la perception paranoïaque était restée l'apanage d'une poignée d'extrémistes, elle ne ferait pas question, mais elle envahit aujourd'hui l'espace public, imprègne les discours de politiciens écoutés et les analyses d'auteurs réputés sérieux. »

Un scénario effrayant

André Lamoureux est le parfait exemple d'un analyste réputé sérieux vociférant la thèse conspirationniste dans l'espace public. Se disant politologue à l'UQAM, il a réussi à présenter ses divagations paranoïaques sur plusieurs tribunes, dont La Presse+, Le Devoir et l'émission Les francs-tireurs.

En 2017, il a publié un texte dans Le Devoir où il écrit que Québec solidaire n'est rien de moins qu'un allié des islamistes. M. Lamoureux a repris sa thèse deux fois dans le journal La Presse. Cette fois-ci, il profite du débat sur les signes religieux à l'école pour tenir un discours particulièrement acrimonieux.

Dans le premier article* dans La Presse, le professeur Lamoureux se prononce contre le port de symboles religieux chez les enseignants parce que, selon lui, les élèves rencontreront des enseignants portant de « longues barbes » et des enseignantes portant des voiles inspirés par « l'intégrisme islamique ».

Dans un deuxième texte**, cette fois sur la clause « grand-père », M. Lamoureux associe les enseignants portant des vêtements religieux à la prédation territoriale, à l'intégrisme, au fondamentalisme, au rigorisme et à l'obscurantisme. Il évoque un scénario effrayant : derrière chaque voile se cacherait un intégriste potentiel qui chercherait à marquer son territoire.

Ce discours devient particulièrement pernicieux quand il parle d'une menace pour « nos enfants ».

Il croit que le vêtement religieux à l'école constitue un marquage de territoire permettant aux prédateurs de profiter des plus vulnérables parmi nous.

Il ajoute que c'est à « nous » d'empêcher « nos enfants » d'être victimes de « préceptes rigoristes, fondamentalistes ou obscurantistes... » Nos pauvres enfants vulnérables seraient donc à la merci d'un prosélytisme certain et serviraient de « cobayes pour le maintien de privilèges religieux préjudiciables ».

Une charge injuste

Les propos de M. Lamoureux constituent une charge injuste envers des enseignantes qui ont toutes été formées dans des universités québécoises.

J'ai beaucoup de difficulté à voir l'obscurantisme chez une enseignante qui a réussi un programme universitaire de quatre ans.

(Selon le Larousse, l'« obscurantisme » désigne « une opposition à la diffusion de l'instruction, de la culture... et à la raison ».) Soulignons que les enseignantes du Québec ont toutes reçu un brevet d'enseignement du ministère de l'Éducation attestant de leurs compétences professionnelles.

Le grand projet

Lors de son spectacle présenté sur Netflix, Adib Alkhalidey, un humoriste québécois d'origine arabe, fait part de son expérience avec les préjugés. « À Montréal, c'est incroyable ! Plus t'es populaire, moins y'a de préjugés. Y'a presque plus rien ! Les gens n'ont plus de préjugés envers moi. Il reste (juste) quelques paranoïaques qui pensent que l'humour c'est mon alibi en attendant mon grand projet. »

Et si André Lamoureux avait raison ? Peut-être que les enseignantes voilées ont choisi d'avoir un comportement professionnel irréprochable en attendant de mettre leur « grand projet » à exécution ? Peut-être attendent-elles d'avoir un accès aux écoles pour ensuite envahir l'esprit de nos enfants et ainsi réaliser l'objectif ultime : transformer la nation québécoise en État islamique.

Dans son analyse d'une « obsession collective transnationale », Raphael Liogier pose une très bonne question : pourquoi avons-nous tant besoin de l'ennemi musulman ?