L’éditorialiste Ariane Krol a décortiqué deux engagements majeurs des partis en matière d’économie afin de clarifier leurs positions.

Parti libéral du Canada

Pas d’impôt fédéral sur les premiers 15 000 $ de revenus

C’est la promesse qui, à la dernière année d’un mandat libéral, coûterait le plus cher au Trésor, soit 5,7 milliards de dollars en 2023-2024.

La deuxième est d’augmenter la Sécurité de la vieillesse de 10 % pour les plus de 75 ans (2,6 milliards). Pour les libéraux, il ne s’agit pas seulement de mesures sociales, mais bien d’économie puisque de leur point de vue, « investir dans la population » contribue à la croissance. On peut effectivement s’attendre à ce que les 60 000 personnes qui sortiraient ainsi de la pauvreté, et les familles moyennes qui épargneraient près de 600 $ par an, réinjecteraient leur pouvoir d’achat supplémentaire dans l’économie canadienne.

Examen exhaustif des dépenses fiscales et autres dépenses du gouvernement

Si les promesses les plus coûteuses de la plateforme libérale seraient faciles à mettre en œuvre, on ne peut pas en dire autant de celles censées ramener des fonds dans les coffres de l’État.

Forts des 3 milliards de dollars qu’ils disent avoir dégagés en passant les mesures fiscales et autres dépenses au peigne fin, les libéraux promettent d’économiser jusqu’à 3,5 milliards de la sorte en 2023-2024. Ils comptent également récupérer des sommes considérables en luttant contre les « échappatoires fiscales des entreprises », soit 6,3 milliards au total pour les quatre budgets du mandat. Bien que la pertinence de ces exercices ne fasse aucun doute, rien ne garantit que les résultats seront à la hauteur des attentes.

Parti conservateur du Canada

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Les conservateurs promettent de réduire le taux d’imposition de 15 % à 13,75 % pour la première tranche de revenu imposable.

Baisse d’impôt pour tous

Les conservateurs promettent de réduire le taux d’imposition de 15 % à 13,75 % pour la première tranche de revenu imposable, soit jusqu’à 47 630 $.

« Tous les contribuables vont voir leurs impôts baisser, mais ceux qui sont dans la tranche de revenu inférieure en bénéficieront le plus », résume la plateforme du parti. Cette réduction graduelle, qui prendrait pleinement effet à partir de 2023, ferait effectivement une plus grosse différence dans le budget d’un contribuable gagnant moins de 47 630 $. Mais comme cette baisse s’étendrait à tous les Canadiens qui paient des impôts, c’est surtout le budget fédéral qui s’en ressentirait, avec près de 6 milliards de revenus en moins en 2023-2024.

Étalement des investissements en infrastructure

C’est la plus importante réduction de dépenses proposée, qui permettrait de dégager près de 5,3 milliards dans le quatrième budget du mandat.

Les conservateurs parlent de « prioriser », mais c’est bien d’étaler qu’il s’agit, puisqu’ils s’engagent à dépenser la totalité des 187 milliards prévus dans le plan libéral Investir dans le Canada, en 15 ans plutôt qu’en 12. Ils promettent aussi de réaliser tous les projets annoncés par le gouvernement libéral, ainsi que les grands projets qu’ils ont eux-mêmes appuyés en campagne, dont le fameux troisième lien. Les régions concernées seront soulagées, mais de la part de ce parti qui, jusqu’à tout récemment, critiquait la lenteur des libéraux à réaliser leurs projets d’infrastructure, c’est un revirement étonnant.

Nouveau parti démocratique

Une assurance médicaments pour tous

Au-delà du bien-être des Canadiens qui, à l’heure actuelle, peinent à se payer les médicaments dont ils ont besoin, le NPD soulève un argument économique intéressant : un régime public universel permettrait aux entreprises qui offrent une assurance complémentaire d’épargner près de 600 $ par employé par an.

Mais contrairement au Parti vert, il n’a pas demandé au directeur parlementaire du budget d’estimer le coût de sa promesse, qu’il évalue à 11,4 milliards en 2023-2024. Liste, rabais, génériques, beaucoup de facteurs peuvent jouer, mais dans une analyse publiée il y a deux ans, le directeur parlementaire avait estimé qu’un tel programme coûterait deux fois plus cher au gouvernement fédéral, soit 22,6 milliards par an.

Augmenter le taux d’inclusion des gains en capital à 75 %

Le NPD parle de « retourner aux taux d’imposition de 2000 », mais pas besoin de revenir si loin en arrière.

Dans les mois précédant le budget 2018, la rumeur voulait que le ministre des Finances s’apprête à porter la part du gain en capital imposée de 50 % à 75 %. Il ne l’a finalement pas fait, mais ça a forcé la réflexion. Le NPD veut faire payer les plus riches, sauf qu’ils ne seraient pas les seuls touchés. Les petits propriétaires et entrepreneurs, dont les immeubles ou le commerce sont le seul fonds de retraite, passeraient aussi à la caisse. Même en faisant miroiter des revenus de plus de 8 milliards par an, un gouvernement néo-démocrate ne pourrait pas faire l’économie d’un débat.

Bloc québécois

Augmenter les transferts en santé

Le plafonnement de la hausse du transfert en santé à 3 % par an a fait mal à toutes les provinces, mais le Québec a été particulièrement touché par un autre changement à la formule, soit le financement par habitant, sans égard aux besoins de la population.

La plus grosse dépense réclamée par le Bloc obligerait Ottawa à ramener la hausse annuelle à 6 %, à couvrir le quart des dépenses en santé du Québec, et à tenir compte du vieillissement de sa population. Le prochain gouvernement ne se précipitera pas pour signer un chèque de 5,3 milliards, mais au train où les provinces voient grimper leurs coûts de santé, le Bloc ne sera sûrement pas le seul à demander un transfert plus conséquent.

Fin de l’utilisation légale des paradis fiscaux

« Premier ministre est un peu improbable », a rappelé d’entrée de jeu Yves-François Blanchet au débat en anglais.

Si son parti n’a pas l’ambition de diriger le pays, il a quand même son idée sur la façon de le financer. Examiner tous les accords conclus avec des paradis fiscaux et imposer les profits rapatriés par les entreprises rapporterait jusqu’à six milliards, estime le Bloc. Avec les retombées attendues de la lutte contre l’évasion fiscale internationale, il y en aurait pour près de 10 milliards. Heureusement pour lui, le Bloc n’aura pas à équilibrer le budget sur cette base. Son défi sera seulement de faire entendre cette priorité à Ottawa.

Parti vert

Offrir une assurance médicaments à tous les Canadiens

La promesse la plus coûteuse ne fait pas partie de la section « Transition vers une économie verte » du programme, mais elle est clairement de nature économique.

Une assurance médicaments publique n’aurait pas seulement des effets sur les contribuables, mais sur les assureurs privés et les entreprises pharmaceutiques. Les verts misent en effet sur l’achat en vrac, la réduction de la durée des brevets et une contribution des provinces pour réduire les coûts. Tout cela demandera de longues négociations dont le résultat définitif « pourrait ne pas se situer dans la fourchette des projections budgétaires », reconnaît cependant le parti. Le directeur parlementaire du budget en a donc fait abstraction, et estimé la facture à plus de 30 milliards par an.

Imposer une taxe sur les transactions financières de 0,5 %

Quand vous n’avez aucune chance de former le gouvernement et que la campagne est votre meilleure chance de vous faire remarquer, demander l’impossible est peut-être la stratégie la plus réaliste.

Cette taxe Tobin présente « une forte incertitude », reconnaît le Parti vert dans son cadre financier. Même aveu pour les deux autres sources de revenus les plus lucratives (hausse du taux d’imposition fédéral des sociétés et imposition à 100 % des gains en capital). Les verts ont beau annoncer un retour à l’équilibre dès la première année d’un hypothétique deuxième mandat, en l’absence de ces trois mesures censées rapporter plus de 46 milliards, leurs budgets seraient longtemps teintés de rouge.