Depuis le déclenchement de la course à la direction du Parti québécois, combien de fois a-t-on souligné la difficulté de ce parti à se régénérer, le faible intérêt des plus jeunes pour son option, le risque que ce parti n'ait été que celui d'une génération.

Et pourtant, les membres du PQ ont choisi comme chef celui des candidats qui était le plus âgé, le seul qui appartienne à la génération dont leur parti semble être prisonnier, celle du baby-boom. Ce n'est pas un hasard.

Ce facteur générationnel n'est évidemment pas le seul élément qui peut expliquer la victoire convaincante de Jean-François Lisée, mais il a joué, et il jouera encore plus pour le véritable test du nouveau chef péquiste, soit la recherche d'une victoire électorale.

L'âge a pu jouer de deux façons. Tout d'abord, M. Lisée s'est distingué dans cette course par son autorité, sa maîtrise des dossiers, sa prestance, qui contrastaient avec une certaine mollesse chez Alexandre Cloutier, le favori, qui a eu du mal à s'imposer. Ce que les militants péquistes ont choisi, c'est le professionnalisme, la prestance qui vient avec l'expérience, plutôt que la fraîcheur, l'énergie un peu brouillonne d'un jeune politicien dont la courbe d'apprentissage n'est pas terminée.

Les éléments générationnels ont aussi joué dans le moment charnière de cette course, l'exploitation par Jean-François Lisée des thèmes identitaires, qui a pataugé dans le populisme de droite, à coups de références aux burqas, aux burkinis et aux AK-47. Cette stratégie honteuse a réussi à casser l'élan du favori, Alexandre Cloutier. Un dérapage contrôlé qui visait la frange plus conservatrice et plus âgée du parti.

Un troisième facteur a bien sûr contribué à sa victoire, son engagement à écarter clairement la tenue d'un référendum dans un premier mandat et à chercher à battre les libéraux sur le thème du bon gouvernement. Une stratégie risquée à laquelle s'est ralliée une majorité de militants, conscients de l'impossibilité d'une victoire référendaire à court terme et qui ont bien vu que cela augmentait les chances de victoire.

Ont-ils fait le bon choix ? À un premier niveau, ils ont très certainement couronné celui qui fera le meilleur chef de l'opposition officielle. Avec son intelligence, son habileté, sa maîtrise des dossiers, sa pugnacité, il sera un adversaire redoutable pour le premier ministre Philippe Couillard.

Mais il aura plusieurs obstacles à affronter. Le premier, ce sera évidemment, après l'euphorie du couronnement, le choc de la réalité. M. Lisée hérite d'un parti magané, ébranlé depuis deux ans par une humiliante débâcle électorale, ensuite par le passage tragicomique de Pierre Karl Péladeau, sans compter l'implosion de l'option. À cela s'ajoutent les blessures que laisse toute lutte au leadership, plus vives parce que le PQ ne pourra plus autant compter sur le ciment qu'est le combat pour l'indépendance.

Le deuxième obstacle, c'est la personnalité de M. Lisée, son arrogance et son abrasivité qui ne le prédisposent pas à devenir le rassembleur. Sa volonté de gagner, une qualité, peut se muer en défaut quand on est prêt à tout pour l'emporter. On a vu, au fil de sa carrière, sa propension aux virages opportunistes, aux calculs, aux manoeuvres.

Son discours de victoire, vendredi soir, illustrait ces traits de caractère. Sur la forme, un discours incroyablement long qui laissait poindre un ego surdimensionné. Sur le fond, un virage à 180 degrés sur les thèmes qui ont marqué sa campagne. Plus de burkini et de burqa, plus de clins d'oeil à l'électorat caquiste, mais un discours résolument de gauche et des appels à Québec solidaire. Pas grand-chose sur le report du référendum, mais beaucoup d'élans lyriques, style « notre rêve est plus vivant que jamais ». En l'espace de 24 heures, le populiste étapiste de droite s'était mué en indépendantiste de gauche.

Bien des gens se sont donc demandé quel Jean-François Lisée dirigerait le PQ. Il faudrait plutôt se demander lesquels ! Son principal défi, au-delà de son intelligence et de sa compétence, ce sera d'inspirer confiance aux citoyens, de les convaincre de la sincérité de ses politiques.

Cependant, le fait d'être un excellent chef de l'opposition ne mène pas nécessairement à la victoire. On l'a vu à Ottawa avec Thomas Mulcair, redoutable parlementaire, et Justin Trudeau, médiocre dans l'opposition. Alexandre Cloutier, on l'a vu, manque de combativité, ce qui ne l'aurait pas bien servi en chambre. Mais à bien des égards, il avait des qualités qui auraient été de grands atouts dans une campagne électorale : sa jeunesse et son énergie, sa capacité d'incarner le renouveau et le changement de génération.

Je reviens donc au facteur générationnel. Ce sera le troisième obstacle pour Jean-François Lisée. Comment aller chercher les jeunes quand sa victoire ne représente pas un changement de garde ? Malgré ses appels à la jeunesse, il n'y avait rien de jeune dans le discours de victoire du nouveau chef, avec son style oratoire pompier et désuet et ses références à son mentor, Jacques Parizeau.