Un gigantesque chantier paralysera la rue Sainte-Catherine Ouest à compter de 2018, et ce, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pendant quatre longues années...

Pour éviter le calvaire qu'ont eu à endurer les commerçants du boulevard Saint-Laurent, la Ville de Montréal a eu l'excellente idée de tenir un concours de design pour trouver une façon d'atténuer l'effet des « pépines » et des marteaux-piqueurs.

Le résultat est à la fois intéressant, imposant et... incomplet.

Conçue par la firme d'architecture Kanva, la structure gonflable en forme d'arche aura l'immense mérite d'attirer l'attention sur autre chose que la poussière et les travaux qui s'étireront jusqu'en 2022. En soi, c'est déjà beaucoup.

Le long corridor blanc se baladera d'une portion de la rue Sainte-Catherine à l'autre, de De Bleury à Atwater, au gré des années et des travaux. Il servira à la fois à abriter, délimiter et embellir le chantier.

La bonne nouvelle, c'est que Kanva semble avoir tiré certaines leçons des faiblesses de la terrasse rouge, installée pour les mêmes raisons en marge du chantier de la rue Saint-Denis. Cette structure était belle et audacieuse, mais elle n'a pas pleinement joué son rôle pour toutes sortes de raisons, notamment une signalisation déficiente qui rendait l'expérience un peu déstabilisante.

Or Kanva s'est associé à l'excellente firme Bruce Mau Design pour clarifier toute la communication du projet. Elle a embauché des experts en structure gonflable de Toronto pour le volet ingénierie. Et elle a même travaillé, pour le contenu historique du projet, avec l'auteur de l'Histoire de Montréal depuis la Confédération, Paul-André Linteau.

Impressionnant ! On aura ainsi, assurément, une intervention qui surprend, attractive et inédite, comme l'a souligné le jury dans son rapport. « L'appel est fort. Les gens vont certainement se déplacer pour voir les installations. »

Tant mieux ! Mais une fois sur place... que retrouveront-ils à part « les installations », au juste ?

Qu'est-ce qui va convaincre les visiteurs de rester au centre-ville ? Quelle expérience vivront-ils au-delà du corridor « immersif » ? Que retrouveront-ils sur place, à part une arche, des lumières et des panneaux historiques ? Nous ne le savons pas.

Nous avons là une structure surprenante qui pourrait bien, comme le souligne le jury, créer la destination... mais difficile de voir si une fois à destination, les visiteurs voudront y rester, y magasiner, y revenir.

Le projet de Kanva ressemble ainsi à un décor de théâtre sans pièce de théâtre. Une structure aérienne sans emprise au sol. Un musée à ciel ouvert sans oeuvres. Sans espaces collectifs aménagés. Sans mobilier urbain attrayant. Sans boutiques éphémères.

Vrai, la Ville entend mettre sur pied un comité pour prévoir des activités et ainsi animer éventuellement l'endroit (des séances de yoga en plein air ont été évoquées... à côté d'un chantier !). Mais n'aurait-il pas été pertinent de profiter du concours pour concevoir à la fois la structure et ce qu'elle abritera ? N'aurait-on pas dû prévoir d'emblée quelques éléments forts, attrayants, immuables ?

C'est ce qu'avaient fait les finalistes du concours, qui, malgré d'autres faiblesses, avaient prévu une grande roue, des places publiques temporaires, des éléments ludiques, des boutiques et vitrines éphémères, etc. Autant de petits gestes à échelle humaine qui ont leur importance, comme l'a montré la terrasse rouge, dont l'attrait a aussi été limité par une animation trop ponctuelle et un nombre insuffisant d'éléments forts comme les hamacs.

C'est bien de prévoir une toile de fond pour animer les abords du futur chantier, mais en soi, la toile de fond ne fera pas oublier le chantier.