Participer à une mission en Chine, pour tout politicien issu d'un pays démocratique comme le nôtre, c'est marcher sur des oeufs.

Il ne faut surtout pas avoir l'air d'un invité impoli qui crache dans la soupe. En revanche, il faut aussi éviter d'avoir l'air d'un larbin qui obéit à tous les caprices de son hôte. Car être tenu pour acquis ou jugé faible par le géant chinois est à éviter à tout prix.

En visite officielle en Chine depuis mardi, Justin Trudeau a su trouver le ton juste.

Un savant équilibre qui lui aura permis de garder la tête haute tout en évitant de faire perdre la face à ceux qui l'accueillaient, ce qui est primordial dans la société chinoise.

Le premier ministre canadien a vanté les mérites de la Chine et de ses dirigeants. Il a démontré que le Canada est prêt à développer de solides liens d'amitié avec l'empire du Milieu, mettant officiellement fin à un refroidissement qui avait trop duré.

Il a annoncé que le Canada se joindra à la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures et n'a pas fermé la porte à un éventuel accord de libre-échange avec la Chine... même si, dans ce dossier, on aura compris qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Il a également présidé à la signature de 56 nouvelles ententes commerciales entre nos deux pays, d'une valeur de plus de 1 milliard.

Il n'a par ailleurs pas hésité à affirmer que la Chine doit améliorer son bilan quant au respect des droits de la personne et de la liberté d'expression. Il en a parlé publiquement à au moins deux reprises. Notamment lors d'un discours important jeudi devant des gens d'affaires à Shanghai. C'est significatif.

Le franc-parler de l'ambassadeur du Canada en Chine, Guy Saint-Jacques, a aussi été remarqué. La situation des droits de la personne a « fait marche arrière » en Chine au cours des trois dernières années, a-t-il déploré. Le dossier du Canadien Kevin Garrett, en prison dans la foulée d'accusations controversées d'espionnage, n'est d'ailleurs pas résolu. Son cas justifie d'autant plus les critiques du Canada à l'égard de Pékin.

Le pari de Justin Trudeau était visiblement que son histoire personnelle (les liens privilégiés qu'entretenait son père avec la Chine) et sa popularité actuelle lui permettaient d'avoir ce genre de discussions « franches et ouvertes » sans miner les efforts de rapprochement entre les deux pays. Qui aime bien châtie bien, a-t-il fait comprendre à ses interlocuteurs. Ces derniers ne semblent pas avoir été froissés outre mesure par cette franchise.

Alors que s'achève la visite officielle et que débutera demain le sommet du G20 à Hangzhou, la relation entre le Canada et la Chine vient de connaître un nouveau départ, sur de bonnes bases. C'est une excellente nouvelle et il ne faut pas s'arrêter là.