Sans lui donner la note parfaite, le secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a salué l'initiative du Canada de profiter de son bilan fiscal sain pour améliorer et développer ses infrastructures et s'extirper ainsi du piège de la croissance molle.

« Le Canada est un exemple pour les membres du G7, du G20. Il teste comment sortir de la médiocrité », a lancé Angel Gurria.

M. Gurria était flanqué du ministre canadien des Finances Bill Morneau, tout sourire devant de tels bons mots, pour le lancement de l'édition 2016 du rapport de l'OCDE. Il avait lieu dans le cadre de la 22e Conférence de Montréal, où la faiblesse de l'activité économique mondiale, six ans après la crise financière de 2008-2009, était au coeur des préoccupations des orateurs et panélistes.

Comme d'autres économies, le Canada est pris au piège : l'investissement est modeste parce que la demande est modeste, parce que la confiance est modeste, ce qui nourrit à son tour la mollesse de l'investissement.

Pour briser ce cercle vicieux, le Canada choisit de profiter de la faiblesse historique des taux d'intérêt pour réaliser quelques projets stratégiques afin de stimuler sa croissance et améliorer ainsi sa fiscalité.

« Le Canada le fait sans dérive fiscale », a noté M. Gurria. Dans son budget de mars, M. Morneau a prévu deux déficits consécutifs de près de 30 milliards (ou l'équivalent de 1,5 % de la taille de l'économie), mais il s'est engagé à stabiliser le poids de la dette en proportion de l'économie. En contrepartie, ces déficits doivent stimuler la croissance d'un demi-point de pourcentage en 2016 et d'un point en 2017.

« Le Canada a le taux d'endettement le plus faible des pays du G7 », a rappelé M. Morneau. « Et même de l'OCDE », a renchéri M. Gurria.

Prenant la parole au moment du déjeuner, le premier ministre du Québec Philippe Couillard a précisé que le poids de la dette du Québec ne lui donnait pas la même latitude qu'Ottawa, même si la province poursuit ses investissements dans les infrastructures. « Le Québec est une terre heureuse dans un monde tumultueux », a-t-il souligné. Il faisait allusion à la fois aux difficultés des autres régions du monde et à sa capacité d'apporter les réponses nouvelles que cherchent les agents économiques aujourd'hui en matière d'innovations technologiques et de formation de talents. Montréal est la ville qui accueille la plus forte population d'étudiants à l'université après Boston, a-t-il souligné.

Le président et chef de la direction de Honeywell, David Cote, a soutenu pour sa part que les gouvernements n'ont pas, règle générale, apporté leur contribution pour stimuler la croissance.

« Les entreprises se disent : si personne n'a confiance dans la croissance, alors pourquoi investir ? »

- David Cote, président et chef de la direction de Honeywell

Il a rappelé que le budget américain est de l'ordre de 4000 milliards, soit plus de deux fois la taille de l'économie canadienne. « Les trois quarts vont à des paiements de transfert et presque le quart à la défense : il en reste bien peu pour faire autre chose. »

Jean Lemierre, président du conseil de BNP Paribas, a insisté sur le fait qu'on a sous-estimé les effets de la crise de 2008 sur les inégalités. « Cela conduit au populisme, qui attise le protectionnisme, le repli. »

Pour diminuer les inégalités, MM. Cote et Lemierre, tout comme M. Couillard auparavant, prônent d'investir en éducation, moteur d'ouverture et foyer de l'innovation, elle-même gage de gains de productivité.

C'est là d'ailleurs que l'OCDE attribue sa mauvaise note au Canada : l'écart entre le Canada et les meilleures économies de l'OCDE en matière de productivité s'est élargi. En 2014, le PIB canadien par heure travaillée était de 17,8 % inférieur à celui de l'Allemagne et de 23,7 % à celui des États-Unis.

Pour accélérer le rattrapage, l'OCDE recommande notamment de développer les interconnexions est-ouest dans le transport de l'électricité, d'élargir la portée de l'Accord sur le commerce intérieur, de revoir la fiscalité des PME pour la rendre plus efficace et de supprimer progressivement les crédits d'impôt aux fonds de travailleurs, jugés moins efficaces que des fonds privés de capital-risque indépendants.

À propos de quoi le ministre Morneau a dû rappeler que le rétablissement de ces crédits, diminués par le précédent gouvernement, était un engagement électoral.