Les adieux de Stephen Harper sont à l'image de sa gouvernance : guidés par ses convictions personnelles auxquelles il n'a jamais dérogé. Quitte à en payer le prix.

Après des mois de mutisme, il s'est présenté d'un air serein devant les militants conservateurs réunis en congrès à Vancouver. Ni aigreur ni frustration n'ont teinté son discours d'une quinzaine de minutes.

Comme s'il acceptait le fait que ses principes l'ont porté au pouvoir et qu'il est normal qu'ils l'en aient aussi chassé, près d'une décennie plus tard.

Stephen Harper s'était lancé en politique avec le désir quasi hargneux de donner une voix à l'Ouest qui, jugeait-il, n'avait pas de place dans un Canada trop centralisateur. C'est même ce qui l'a incité à piloter la fusion des forces conservatrices pour créer le nouveau Parti conservateur du Canada. Cette image d'unificateur reste. Le PCC est aujourd'hui un parti solide et uni, a-t-il d'ailleurs souligné dans son discours.

En ce sens, les prochains mois seront intéressants. Le nouveau chef devra être en mesure de rallier à la fois les éléments les plus radicaux et les plus progressistes. La représentation régionale sera aussi un défi, notamment en ce qui concerne la députation québécoise qui, selon M. Harper, ne s'est jamais aussi bien portée qu'aujourd'hui.

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Sous l'ère Harper, la politique économique du pays a été marquée par la fermeté budgétaire et des baisses de taxes et d'impôts. On a constaté un préjugé favorable aux familles, particulièrement les familles « traditionnelles », avec le fractionnement du revenu. La ligne directrice très décentralisée a toutefois laissé peu de place aux mesures sociales, exacerbant l'idée que le gouvernement Harper manquait d'empathie et de compassion.

Mais c'est la politique fondée sur le respect de la loi et de l'ordre qui retient surtout l'attention.

Certes, voilà une vision rassurante dans le monde « incertain » dans lequel nous vivons, comme aimait le dire Stephen Harper. C'est malheureusement une vision souvent caricaturale de la réalité, qui a ouvert la voie à des mesures excessives sous prétexte de lutter contre le terrorisme (C-51) ou de favoriser les victimes plutôt que les criminels (pensons à l'emprisonnement à vie qui équivaut à une peine de mort déguisée). Même la politique étrangère a fait un virage à 180 degrés, versant vers la militarisation.

Si, dans son discours d'adieu, Stephen Harper n'a semblé rien regretter, personne n'est dupe quant à la voie que le parti doit maintenant suivre. Les propositions débattues au congrès le démontrent, que ce soit la décriminalisation de la marijuana, la redéfinition du mariage (que les conservateurs décrivent comme l'union d'un homme et d'une femme) et, surtout, le nécessaire repositionnement dans la lutte contre les changements climatiques.

Car gouverner à tout prix selon ses principes a des conséquences. Le Parti conservateur se l'est fait rappeler le 19 octobre dernier.