À l'échelle canadienne, le marché du travail poursuit sa stagnation, amorcée durant l'automne, malgré d'importantes disparités régionales.

Les données d'avril de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada font état de la perte de 2100 emplois d'un océan à l'autre et d'un modeste gain de 1800 postes au Québec. Compte tenu de la marge d'erreur de l'EPA, il s'agit de chiffres non significatifs.

Ils expliquent néanmoins que les taux de chômage respectifs soient restés stables à 7,1 % et 7,5 %.

Cette stabilité cache toutefois le drame que vivait l'Alberta avant même le déploiement de la catastrophe naturelle qui ravage les environs de ses champs de sables bitumineux.

En avril, la province des cheiks a perdu 20 800 emplois, portant l'hécatombe à 37 400 en un an et son taux de chômage à 7,2 %.

Pire, son secteur manufacturier est décimé. Les 3000 pertes d'avril portent à 24 700 les suppressions d'emplois en usines, soit davantage que dans l'extraction.

À l'échelle canadienne, avril aura été un bien mauvais mois pour l'emploi manufacturier avec la disparition de 16 500 postes. Cette saignée réduit à néant tous les gains observés depuis un an ailleurs qu'en Alberta.

Seule la Colombie-Britannique a encore un bilan légèrement positif pour l'emploi manufacturier. La province est désormais celle où le taux de chômage est le plus faible au pays, à hauteur de 5,8 %. Les 13 000 emplois de plus d'avril portent le total à 110 400 depuis un an, soit 77 % des nouveaux emplois au pays.

Le Québec en compte 9500 de moins qu'en avril 2015.

Le vieillissement commence à mordre dans sa population active. Ses rangs ont perdu 8000 éléments depuis un an. Plus dramatique, la cohorte des 15-24 ans a perdu 31 900 personnes depuis un an. Ce n'est guère étonnant, dans la mesure où la population diminue dans ce segment d'âge. Voilà pourquoi le taux de chômage n'augmente pas alors que le nombre de chômeurs oscille depuis un an dans les 330 000.

Autre trait distinctif du Québec, ses pertes d'emplois se concentrent surtout dans les services, plus particulièrement dans l'enseignement et la finance. Les pertes dans le secteur des biens se retrouvent dans la construction.

À l'échelle canadienne, tous les emplois créés depuis un an sont dans les services.

Le surplace de l'emploi en avril était attendu des prévisionnistes, compte tenu des bons chiffres de l'EPA en mars qui montraient l'ajout net de 41 000 emplois à l'échelle canadienne, un rythme insoutenable. Toutefois, la moyenne mensuelle des six derniers mois est de 3400 emplois seulement, ce qui reflète une activité économique ralentie.

Il est fort possible que l'emploi augmente ce mois-ci, en raison des quelque 35 000 personnes qui travailleront à la réalisation du recensement. Même si la plupart ont été embauchées le mois dernier, l'EPA n'a pas capté cet afflux de main-d'oeuvre dans l'administration publique. L'EPA s'est tenue dans la semaine du 10 au 16 avril, puisque le 15 du mois détermine la semaine de sa tenue.

Surtout, l'EPA d'avril n'a pu prendre encore en compte les conséquences des feux albertains qui réduisent de 800 000 barils par jour, soit 25 %, la production d'or noir de la province. Cette catastrophe survient dans la foulée de données particulièrement mauvaises sur le commerce extérieur en mars. Le déficit record de 3,4 milliards a montré que le secteur manufacturier est toujours incapable de relayer les ressources dans nos exportations. Les pertes d'emplois en usine viennent confondre les optimistes les plus obstinés.

L'effet combiné du solde commercial et des feux en Alberta sur l'ensemble de l'économie canadienne est tel que plusieurs prévisionnistes jugent maintenant que l'économie canadienne pourra au mieux stagner durant le printemps.

Le marché du travail canadien est désormais bien moins dynamique que l'américain où on a compté 160 000 salariés de plus en avril. Ce chiffre jugé décevant a tout de même suffi à stabiliser le taux de chômage à 5 %, ce qui est bien plus faible qu'au Canada. Même en utilisant la méthodologie américaine, le taux de chômage canadien se situe à 6,2 %.

Toutefois, le taux d'emploi américain de 59,7 % est toujours plus bas que le canadien, qui se situe à 61,1 %. Il grimpe à 61,7 % selon la méthodologie américaine qui fixe le seuil de la population active à 16 ans, contre 15 au Canada. Cela illustre que le marché du travail américain ne s'est pas encore remis des ravages de la Grande Récession, contrairement au secteur financier qui l'a causée.