Philippe Couillard et ses ministres ont beau répéter depuis des mois que les compressions dans les services publics n'ont pas de conséquences fâcheuses pour les usagers, le troisième budget Leitao, déposé aujourd'hui à Québec, lancera l'opération rattrapage dans certains secteurs gravement touchés, en particulier l'éducation.

Lors de la campagne électorale de 2014, les libéraux avaient promis de maintenir la croissance des dépenses en éducation à 3,5 % et à 4 % en santé. Austérité oblige, ces pourcentages ont été ramenés à un famélique 1 % dans le budget de l'an dernier, ce qui signifie, dans les faits, une croissance négative dans ces deux réseaux en raison de l'augmentation naturelle des coûts de système.

Les compressions budgétaires ont été durement ressenties et la mobilisation du milieu scolaire et des parents a fini par ébranler le gouvernement, qui devrait faire grimper à 3 % la croissance des dépenses en éducation.

Il y a quelques jours, le gouvernement du Québec a donc claironné, en vue du budget, que l'éducation devenait sa priorité. Remarquez, Jean Charest nous avait fait le même coup en 2011, après huit ans au pouvoir, lors de la présentation de son discours inaugural. C'est ce jour-là qu'il avait décidé, à la surprise générale, d'équiper toutes les classes du Québec de tableaux blancs interactifs. Il avait, en outre, annoncé que toutes les écoles auraient des maillots sportifs à leurs couleurs, mais je crois que cinq ans plus tard, on n'a toujours pas réussi à choisir le tissu pour confectionner ces maillots...

Ça me fait toujours sursauter lorsqu'un gouvernement dit que l'éducation « devient » une « priorité nationale ». Cette mission fondamentale de l'État ne devrait-elle pas toujours être la priorité ?

Enfin, ne crachons pas dans la soupe, personne ne se plaindra d'un réinvestissement en éducation dans une province où on ferme des écoles pour cause de contamination fongique débilitante, où on manque tellement de ressources que les parents doivent se cotiser pour acheter des cordes à danser, où il faut des mois, parfois des années, pour qu'un élève avec un trouble d'apprentissage rencontre un orthopédagogue, où les profs doivent apporter dans leur classe des caisses de pommes vides pour y ranger les livres... (Je pourrais étirer longuement cette énumération.)

Dans le cadre financier de la campagne de 2014, les libéraux s'engageaient à disposer ainsi des éventuels surplus budgétaires : 50 % à la réduction de la dette et 50 % en baisse d'impôts. La concrétisation de cette promesse semble douteuse. D'abord, si le gouvernement doit réinvestir pour recoller les pots cassés de ses compressions, les surplus se volatilisent avant même d'exister. On l'a vu cette semaine avec le rapport Lebon qui a sévèrement critiqué les compressions dans les centres jeunesse.

Puis, le gouvernement a besoin de revenus, d'autant qu'il a mis de côté les réformes qui auraient permis de nouvelles entrées d'argent.

Enfin, les libéraux préféreront attendre le budget de 2018, à six mois des élections, avant d'accorder une réduction d'impôts aux contribuables québécois. Ne changez donc pas vos projets de vacances estivales, le répit fiscal promis par les libéraux devra attendre.

L'abolition progressive de la taxe santé (autre engagement électoral de 2014) se traduira par une économie annuelle d'environ 100 $ pour les familles de la classe moyenne, mais la modeste marge de manoeuvre du gouvernement servira à des réinvestissements urgents en éducation ainsi qu'à couvrir les augmentations de salaire des enseignantes.

Selon mon collègue Denis Lessard, de notre bureau de Québec, « le ministre Leitao préférerait attendre afin de voir les modifications qu'apportera le gouvernement fédéral à la fiscalité des particuliers dans son budget » avant de revoir lui-même le régime fiscal. Curieux. Pourquoi alors ne pas avoir attendu le dépôt du budget Morneau, mardi prochain, pour ajuster le tir à Québec ?

Chose certaine, en cette ère de déficits appréhendés à Ottawa, les provinces savent qu'elles ne peuvent attendre un cadeau du fédéral. Le gouvernement Trudeau mettra beaucoup d'argent dans son programme d'infrastructures, mais les provinces et les municipalités (dans une proportion à être définie) devront aussi contribuer.

De toute évidence, le gouvernement Couillard n'attend pas grand-chose d'Ottawa pour Bombardier non plus. Dans une déclaration étonnante, autant sur le fond que pour le moment choisi, le ministre des Transports du Québec, Jacques Daoust, a affirmé la semaine dernière que Bombardier survivrait sans l'aide du fédéral et que Québec continuerait d'aider financièrement cette entreprise. Drôle de message à envoyer au gouvernement fédéral qui, déjà, ne semble pas croire à la viabilité de l'avionneur québécois.

Le premier ministre Trudeau a dit en entrevue à La Presse, il y a quelques semaines, que la décision de son gouvernement dans ce dossier viendrait avant le budget, ce qui lui laisse cinq jours pour faire connaître ses intentions.

À Ottawa, les partis de l'opposition accusent le gouvernement libéral de bloquer l'agrandissement de l'aéroport Billy-Bishop, au centre-ville de Toronto, ce qui permettrait l'utilisation de plus gros appareils, dont ceux de la C Series de Bombardier.

On reproche par ailleurs au gouvernement de ne pas avoir profité des ouvertures diplomatiques et commerciales avec l'Iran pour tenter de vendre des avions de Bombardier dans ce marché en plein développement.

PIPELINE ÉNERGIE EST

On a appris cette semaine que le pipeline Énergie Est, qui doit transporter le pétrole de l'Alberta vers le Nouveau-Brunswick, pourrait aussi occasionnellement servir au transport du pétrole de schiste du Dakota.

Les partisans du projet affirment que le Québec a le devoir de laisser transiter le pétrole de l'Ouest sur son territoire. Question de solidarité pour une province qui touche de la péréquation grâce aux provinces riches.

Une affaire d'unité nationale, quoi.

Avec du pétrole du Dakota, ça devient plus difficile de défendre une telle position...