Pour le deuxième mois d'affilée en février, l'économie canadienne n'est pas parvenue à créer d'emplois.

Le taux de chômage progresse doucement. Il s'élevait à 7,3 % le mois dernier, en hausse d'un dixième sur celui de janvier, et un sommet depuis 2013. Il y a un an, il se situait à 6,6 %, son creux du présent cycle.

Les données de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada montrent que les effets du choc pétrolier se font sentir de plus en plus cruellement. Par rapport à février 2015, seules trois provinces comptent plus d'emplois : la Colombie-Britannique, l'Ontario et, dans une bien moindre mesure, le Québec.

En Alberta, c'est l'hécatombe. Malgré l'ajout de 1400 emplois en février, un chiffre statistiquement non significatif, la province des scheiks des sables bitumineux en compte encore 21 200 de moins qu'un an plus tôt, voire 56 300 si on considère seulement les postes à temps plein. Son taux de chômage a bondi de 0,5 point de janvier à février, à hauteur de 7,9 %. Fait rarissime, il éclipse désormais celui du Québec, qui est resté stable à 7,6 %.

Le marché du travail albertain a toutes les chances de se détériorer davantage. Cela va créer des pressions pour une refonte de la formule de péréquation. L'Alberta ne touche pas un cent alors que Québec reçoit quelque 10 milliards, somme qu'il juge d'ailleurs insuffisante, dans le cadre de la formule actuelle de redistribution des recettes fiscales fédérales.

À l'échelle canadienne, d'autres signes inquiétants de faiblesse du marché du travail pointent le nez. On compte moins de postes à temps plein qu'à temps partiel et c'est avant tout le travail autonome qui augmente. Depuis les trois derniers mois, l'économie a supprimé plus de 55 000 postes à temps plein d'un océan à l'autre. Sur ce point, le Québec s'en tire mieux, avec un excédent d'un peu plus de 6000.

D'un océan à l'autre, la moyenne mensuelle d'ajouts d'emplois depuis six mois est tombée à 5000 seulement, contre 9800 durant la dernière année.

Cette situation va sans doute perdurer encore quelques mois. Dans l'Enquête sur les perspectives des entreprises, menée trimestriellement par la Banque du Canada, la volonté d'augmenter les effectifs était la plus faible depuis 2009, cet hiver.

Le marché du travail est considéré comme un indicateur retardé de l'état de santé de l'économie. La léthargie actuelle reflète sans doute le ralentissement ressenti en début d'automne.

Les données encourageantes du commerce extérieur de janvier et décembre, la légère progression de la croissance en toute fin d'année de même que les mesures de relance fiscales attendues dans le budget du ministre Bill Morneau le 22 mars sont susceptibles de ranimer quelque peu le désir d'embauches des entreprises, plus tard au printemps.

Les données mensuelles de l'EPA sont hautement volatiles et leur niveau de confiance est limité à 68 %. Pour éviter de sauter aux conclusions à partir de quelque accident statistique, il est préférable d'observer les tendances de plusieurs mois, dont quelques-unes permettent d'espérer.

Ainsi, les emplois en usine ont augmenté de 41 300 depuis un an, essentiellement au Québec et surtout en Ontario. Seules la santé et l'assistance sociale font mieux, malgré le fort repli observé en février. Les services financiers, professionnels ou destinés aux entreprises ont aussi gonflé leurs effectifs depuis un an.

Cela dit, le marché du travail du Canada n'a plus du tout le tonus que d'autres pays lui enviaient jusqu'à l'an dernier.

C'est chez notre voisin qu'il faut désormais tourner les yeux. En reprenant la méthodologie du Bureau of Labor Statistics, le taux de chômage canadien s'établit à 6,2 %, puisque le seuil d'entrée dans la population active y est fixé à 16 ans plutôt qu'à 15 ans comme au Canada. Cela représente une hausse annuelle de deux dixièmes. Le taux américain s'établit à 4,9 %, en baisse de six dixièmes.