C'est avec un certain soulagement qu'ont été accueillies hier les données réelles de décembre du commerce international du Québec. Un bond de 16,3 % des exportations, soit plus de cinq fois l'augmentation observée d'un océan à l'autre, c'est bienvenu.

Toutefois, les chiffres de l'Institut de la statistique (ISQ) montrent aussi que l'augmentation pour l'ensemble de 2015 est de 4,1 %, contre 4,4 % pour le Canada dans son ensemble. En décembre, le rattrapage est attribuable à la poussée exceptionnelle et insoutenable des livraisons de produits aérospatiaux.

Bien sûr, 4,1 % reste une bonne performance qu'on aimerait voir répétée cette année.

L'entrée en expansion économique de la zone euro durant l'automne, sept ans après le début de la Grande Récession, est peut-être prometteuse à cet égard, surtout si l'Accord économique et commercial global avec le Canada, signé il y a deux ans, est finalement ratifié par les pays européens.

Du côté des États-Unis, de loin le principal client du Québec, qui leur a expédié 72,4 % de ses livraisons internationales l'an dernier, tout dépendra de la vitalité du secteur manufacturier. Depuis le début du présent cycle, ce sont avant tout les fournisseurs des usines américaines qui ont pu augmenter leurs livraisons. Les fabricants de produits forestiers commencent aussi à profiter de la relance du marché de l'habitation américain.

Pour les autres exportateurs, la tâche sera plus difficile. Le taux d'utilisation des capacités industrielles du Québec (et du Canada dans son ensemble) est passablement élevé.

Surtout, les capacités manufacturières sont moins grandes maintenant qu'au début de la récession et bien moins grandes qu'au tournant du millénaire quand la production de l'usine GM à Boisbriand était presque entièrement réservée au marché américain et que Nortel faisait encore envie. Depuis, les fermetures d'usines exportatrices se sont multipliées.

Augmenter ces capacités requiert de nouvelles usines ou, à tout le moins, des achats d'équipements.

Or, les investissements des entreprises sont en repli depuis trois ans. Au troisième trimestre, le recul annualisé a atteint 19,6 % au Québec. On ne peut attribuer cette débandade à la chute des prix du pétrole...

En revanche, la faiblesse du dollar canadien, jugée bénéfique pour stimuler les exportations, représente désormais une entrave : elle fait augmenter considérablement les coûts d'équipements pour les entreprises d'ici.

Au quatrième trimestre, l'Indice canadien des prix des machines et du matériel a augmenté de 1,9 %. Les prix importés, qui représentent près des trois quarts de l'indice, ont quant à eux augmenté de 2,3 %, portant la hausse annuelle à 17,9 %, a indiqué hier Statistique Canada. Notons que le dollar canadien s'est déprécié de 14,9 % par rapport au billet vert durant la même période.

La baisse du pouvoir d'achat des entreprises et des ménages agit sur le potentiel de croissance des investissements et de la consommation.

En 2015, les ventes des détaillants québécois ont progressé de 1 % seulement. Fait à noter, celles des supermarchés ont augmenté à peine de 0,3 %, même si les prix des aliments gonflent deux fois plus vite que le taux d'inflation. Manifestement, la baisse du pouvoir d'achat incite les ménages à moins manger de fruits et de légumes frais, à préférer des coupes de viande meilleur marché et à célébrer la décision de l'ONU de décréter 2016, l'année des légumineuses...

L'activité économique souffre de cette morosité. En début de semaine, l'ISQ a révélé que le produit intérieur brut réel avait reculé de 0,4 % en novembre, après un repli de 0,5 % en octobre. D'un océan à l'autre, la production a plutôt augmenté de 0,3 % après le surplace d'octobre.

Au début 2015, le choc pétrolier et la baisse du huard étaient vus comme deux stimulants pour l'économie québécoise. Au début 2016, force est de constater que la croissance du Québec aura sans doute été plus faible que la moyenne canadienne estimée à 1,2 %. La Banque Nationale évalue le rythme d'expansion à 0,9 %, Desjardins à tout juste 1 %.

Le secteur des services, qui représente plus des deux tiers de l'économie québécoise, paraît en panne. Selon l'ISQ, il a reculé de 0,2 % en octobre et fait du surplace en novembre. Si le commerce, le transport, l'entreposage et l'hébergement ont connu la croissance, elle a été annulée par les replis des services administratifs, de soutien de gestion des déchets, des soins de santé, d'assistance sociale et par les administrations publiques.

Bref, les effets délétères de la rigueur budgétaire se font sentir. Après avoir imité le gouvernement de Stephen Harper, Québec saura-t-il désormais s'inspirer de celui de Justin Trudeau ?