La Réserve fédérale américaine va sans doute laisser quelque temps encore aux marchés financiers pour digérer la première hausse de son taux directeur en sept ans, annoncée à la mi-décembre.

Selon toute vraisemblance, le taux des Fed Funds continuera d'évoluer dans la nouvelle fourchette de 0,25 % à 0,50 % au moins jusqu'à la prochaine réunion du Comité de politique monétaire (FOMC), à la mi-mars.

La réunion commencée hier midi va évaluer l'évolution de la situation économique, selon les indicateurs publiés depuis la mi-décembre. Il serait étonnant que le communiqué faisant part de la fixation du taux directeur, à 14 h aujourd'hui, reflète une appréciation bien différente de l'état de l'économie américaine et mondiale. Il va néanmoins inclure quelques nuances sur l'évolution positive du marché du travail et des pressions inflationnistes, toujours de plus en plus faibles.

Cette situation assez singulière, où la robustesse du marché monétaire peut justifier un resserrement alors que la désinflation nourrie par la baisse des prix de l'or noir alors que l'appréciation du billet vert penche pour une détente accrue, milite pour le statu quo.

En outre, une première estimation de la croissance au quatrième trimestre paraîtra ce vendredi. Les prévisionnistes parient sur un rythme annualisé autour de 1 %. À la mi-mars, toutefois, le FOMC aura une idée beaucoup plus précise.

La réunion en cours ne débouchera pas sur une nouvelle appréciation quantifiée de la croissance, des taux de chômage et d'inflation ni, surtout, du rythme escompté de la normalisation du taux directeur.

À la réunion de décembre, la médiane des 17 participants à l'exercice penchait pour quatre nouvelles hausses pour l'année en cours, ce qui porterait la fourchette à 1,5 %-1,75 % à la fin de l'année.

Cette prévision est jugée très audacieuse par les marchés financiers. La très grande nervosité observée sur les places boursières, le doute grandissant sur la fiabilité des statistiques chinoises et la trop forte production d'or noir font peser des risques accrus sur la poursuite de la croissance mondiale que l'économie américaine, si robuste soit-elle, ne peut assurer seule.

Voilà pourquoi de plus en plus de prévisionnistes tablent sur deux, voire trois hausses du taux directeur, au maximum, cette année. Cette estimation est renforcée par le fait que les banques centrales européenne et japonaise évoquent de plus en plus ouvertement la possibilité de s'aventurer davantage dans la détente qualitative. Cela risque de renforcer encore le billet vert et d'affaiblir la compétitivité des manufacturiers américains et les prix des biens importés.

Si quelques spéculateurs rêvent d'un statu quo prolongé, ils pourraient cependant déchanter dès le mois de mars.

Après tout, le moral des consommateurs américains est bon, comme en fait foi l'indice de confiance du Conference Board, en hausse en janvier. Cela est de bon augure pour les dépenses des ménages qui restent le pilier de la croissance aux États-Unis. La prévision de la Banque mondiale, selon qui le prix du baril de brut se négociera à 37 $ en moyenne cette année, les confortera davantage.

En outre, la plupart des Américains ne détiennent pas d'actions : ils sont donc moins touchés que les investisseurs institutionnels et les spéculateurs par les turbulences des marchés financiers.

Cela dit, la Fed doit soigner particulièrement son communiqué. Tout en se ménageant la marge de manoeuvre la plus grande possible, elle ne doit nourrir ni l'optimisme des uns ni le pessimisme des autres.

Enfin, dernier élément mais non le moindre, janvier marque la rotation au sein des membres votants du FOMC. Quatre nouveaux membres (les présidents des réserves régionales de Saint Louis, de Kansas City, de Cleveland et de Boston) remplacent ceux de Chicago, de Richmond, d'Atlanta et de San Francisco.

Au cours des derniers mois, les sorties publiques des nouveaux venus ne se sont pas trop démarquées de la communication officielle de la présidente Janet Yellen. Elle pourra sans doute compter sur un vote unanime pour la reconduction du taux directeur ainsi que pour le maintien des politiques de réinvestissement du principal et des intérêts des titres détenus par la Fed qui viennent à échéance.