Les trois récents jours de grève dans les établissements d'enseignement et de santé génèrent beaucoup de commentaires et de questions sur l'état des finances publiques et sur la situation économique réelle du Québec.

Tentons d'y voir un peu plus clair.

On peut à bon droit contester le bien-fondé de certains choix budgétaires du gouvernement. Toutefois, il est un peu court de parler d'austérité ou de rigueur généralisée, même si certains postes de dépenses font l'objet de coupes sèches. Il en va par exemple ainsi de l'aide sociale ou du financement des garderies publiques et privées.

À l'inverse, la rémunération des médecins spécialistes augmente bien au-delà du coût de la vie. Et que dire du pari hardi de 1,3 milliard pris sur la C Series de Bombardier sinon qu'il représente des frais d'intérêts annuels de près de 30 millions, à supposer que Québec réalisera cet emprunt sur le marché obligataire canadien avec une échéance de 10 ans, aux conditions actuelles. Évidemment, ces coûts ne présument en rien de la réussite du pari.

On peut multiplier les exemples.

Au bout du compte, reste que les dépenses de programmes, c'est-à-dire les enveloppes allouées aux ministères, ont augmenté au Québec davantage qu'en Ontario, au cours des deux dernières années. Il en sera ainsi aussi l'an prochain, si on se fie aux plus récents documents budgétaires des deux provinces.

Si on pousse la projection jusqu'en 2017-2018, l'Ontario prévoit alors diminuer ses dépenses de programmes de 0,5% pour arriver à équilibrer son budget, tandis que le Québec prévoit les augmenter de 2,1%, tout en diminuant sa dette pour une troisième année d'affilée.

Évidemment, on pourra faire valoir que la réalité fait souvent mentir les prévisions...

Est-ce que l'économie québécoise se porte mieux pour autant que l'ontarienne?

Si on examine le marché du travail, force est de conclure que non.

On se targue à Québec que l'économie québécoise comptait le mois dernier 35 600 emplois de plus qu'il y a un an, en se basant sur les données de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada. Cela représente un peu plus du quart des nouveaux emplois au Canada depuis un an. La même enquête montre que l'Ontario en compte 45 800 de plus.

La déclinaison de ces résultats faite par Statistique Canada à la demande de La Presse révèle des éléments à la fois étonnants et inquiétants.

Commençons par l'Ontario: le solde est le résultat de l'ajout de 47 400 salariés et de 43 000 travailleurs autonomes dans le secteur privé conjugué à la suppression de 45 000 postes salariés dans le secteur public. Autrement, les entreprises ontariennes embauchent et bien des Ontariens choisissent de se lancer en affaires tandis que les gouvernements licencient.

Le tableau québécois est tout autre: 4100 travailleurs autonomes de moins, 24 100 salariés du secteur privé de plus auxquels s'ajoutent 15 700 employés du secteur public. Autrement dit, il paraît difficile de se lancer en affaires au Québec et l'État embauche encore.

Pour être parfaitement honnête, les données de l'EPA comportent une marge d'erreur élevée. La prudence est de mise (ou de rigueur, c'est selon) si on veut les utiliser.

Pour les valider, en partie du moins, on peut recourir aux données administratives sur le nombre de salariés du secteur privé. L'enquête sur la rémunération et sur le nombre de salariés est d'un précieux secours. Ses plus récentes données portent sur le mois de septembre et ont été publiées il y a deux semaines par l'agence fédérale.

Elles nous indiquent qu'en un an le nombre de salariés (du secteur privé) a augmenté de 107 400 en Ontario alors qu'il a diminué de 2200 au Québec.

Si on essaie de réconcilier les deux séries, au moins deux constats s'imposent: les entreprises ontariennes embauchent davantage alors que le poids relatif de l'État sur le marché du travail augmente toujours au Québec.

Comment faire mieux?

Secteur public: deux réalités différentes

Variation de l'emploi depuis un an

Total Employés secteur public / Employés secteur privé / Travailleurs autonomes

Canada 135 300 /49 200 /34 900 /51 200

Québec 35 600 /15 700 /24 100 /-4100

Ontario 45 800 /-45 000 /47 400 /43 400

Source: Statistique Canada