« Il n'y a pas d'hommes cultivés, il n'y a que des hommes qui se cultivent », faisait valoir Foch il y a un siècle. On vous laisse méditer là-dessus tout en vous proposant quelques voies culturelles à explorer...

Sortie

Comme un grand trou dans le ventre

Fidèle à une de ses plus salutaires traditions, le Théâtre des Petites Lanternes s'abreuvait l'automne dernier aux témoignages de « citoyens-écrivants » à l'occasion d'une Grande Cueillette des mots, cette fois-ci auprès de gens ayant vécu dans la MRC du Granit les secousses de la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic du 6 juillet 2013. Lors de 27 ateliers d'écriture, adultes comme enfants auront consigné réflexions, anecdotes et coups de gueule dans des carnets de paroles. Assemblé par la metteure en scène Angèle Séguin à partir de cette précieuse matière première, le texte de la pièce Comme un grand trou dans le ventre ambitionne moins cependant de raconter un déraillement de train et ses raisons que de dire comment les grandes tragédies collectives secouent à l'intérieur de ceux qui les traversent ce qui vacillait déjà. Laissés sans repère, ces quatre personnages devront apprendre à se réconcilier avec la cruauté d'un monde dont le sens ne se donne pas toujours à comprendre facilement. Le 6 octobre à 20 h au Centre culturel de l'Université de Sherbrooke.

Livre

Foglia l'insolent

De toutes les grandes absurdités de cette vie, que Pierre Foglia ait toujours refusé de réunir ses chroniques dans un recueil - si on exclut un livre consacré au Tour de France - trône en tête de liste. L'homme (et sa fiancée) aimerait parfois pouvoir apaiser la colère que fait monter en lui ce monde cruel et son assommante actualité en goûtant à l'indignation, aux vulgarités, aux sottises et à la sensibilité, jamais larmoyante, du plus grand chroniqueur au Québec. Pendant ce temps, des milliers de bouquins signés Réjean Tremblay meurent sur les tablettes. Mince, quoique non négligeable, consolation : le professeur de l'Université d'Ottawa Marc-François Bernier compulse dans son lumineux essai Foglia l'insolent les 4300 chroniques de l'homme aux chats afin d'en dessiner les lignes de force, de mettre en lumière ses contradictions et ses obsessions. Le regard de l'auteur est admiratif, mais jamais complaisant, sur celui qui toute sa carrière, aura fait mine de rôder en marge de l'actualité, quand au fond, c'est au coeur de la vie qu'il se tenait, à traquer « le petit détail qui transcende le grand rien du quotidien fleuve tranquille... »

Disque

Ryan Adams

Le subterfuge commence à être usé à la corde, à force d'être employé par tout ce que YouTube recèle de gratteux de guitare : prenez une chanson outrancièrement pop, dépouillez-la de ses clinquants oripeaux, chantez-la sur le ton plaintif d'une ballade mièvrement doucereuse et récoltez les clics. Voilà pourquoi nous étions pour le moins dubitatifs face à ce Ryan Adams qui annonçait, il y a quelques semaines, l'imminente parution d'un album dans lequel il reprendrait dans l'ordre chacune des chansons de 1989 de Taylor Swift. Dubitatifs, nous ne le sommes plus pantoute à l'écoute de cet exercice de style n'ayant, au fond, rien d'un exercice de style. L'icône du alt-country joue chacun des refrains de Swifty comme s'ils s'agissaient des siens, révélant par exemple qu'un hit en apparence plutôt fielleux comme Bad Blood peut devenir quelque chose comme une sorte d'élégie folk-rock chantée en mémoire d'une relation ternie par le temps. La blonde principale intéressée a elle-même apposé son imprimatur sur le projet qui, on l'espère, fermera la gueule à ceux qui ne voit en elle qu'une inepte pop star.