La Ville a lancé cette semaine les travaux de démolition de l'autoroute Bonaventure. Et tout ce à quoi vous avez pensé, avouez-le, ce sont les voies routières qui seront retranchées, les nouvelles entraves à la circulation, les déviations, le trafic...

Or, derrière les cônes orange, se cache quelque chose d'autrement significatif: la volonté d'effacer les erreurs du passé.

On en parle depuis une éternité, et soudainement, en moins d'une heure, en jetant au sol un premier morceau de 30 mètres, la Ville posait un geste concret en ce sens. Elle entamait du coup le premier de trois chantiers qui feront disparaître d'horribles plaies qui enlaidissent Montréal depuis trop longtemps.

Le démantèlement de Bonaventure n'est pas qu'un tracas, donc, c'est l'amorce d'une réappropriation plus vaste, qui s'étendra à l'est et à l'ouest. Une façon de reprendre tranquillement le terrain perdu au profit d'autoroutes qui ont défiguré la métropole.

Ce n'est donc qu'un début, ce chantier. Début d'une nouvelle ronde de travaux qui ajouteront de nouveaux cônes orange dans le paysage, c'est vrai. Mais au moins, cette fois, on ne fait pas que retaper du vieux.

On panse les blessures faites à Montréal il y a une quarantaine d'années.

On commence ainsi par la démolition de l'horrible tronçon sur pilotis de Bonaventure qui surplombe la rue de la Commune et le canal de Lachine. Une aberration urbanistique surdimensionnée qui gâche complètement l'entrée dans la ville.

On recouvrira ensuite un tronçon de l'autoroute Ville-Marie, plus à l'est, à côté du CHUM. Un trou qui fait honte à voir le long du vieux quartier.

Puis on s'occupera, à l'ouest, de l'emprise d'autoroute qui passe entre le Centre Bell et l'École de technologie supérieure, à proximité de l'ancien Planétarium. Un secteur qu'on a quasiment oublié depuis le projet avorté de stade de baseball, en 2000.

Trois horribles fractures urbaines, donc, sur lesquelles pousseront trois nouveaux parcs.

Le coeur de Montréal sera donc doté de nouveaux espaces verts. Des espaces qui auront pour but d'embellir la ville, mais aussi de rapprocher des quartiers que les projets autoroutiers des années 60 ont éloignés.

En remplaçant Bonaventure par un boulevard urbain, on fera le lien entre Griffintown et le Vieux, tout en ressoudant le faubourg des Récollets. On aménagera ainsi un long parc linéaire planté de 300 arbres, doté d'un large passage piétonnier et d'un parcours d'art public.

En recouvrant l'autoroute Ville-Marie entre Sanguinet et Hôtel-de-Ville, on rapprochera le Quartier latin et le Vieux-Montréal. On créera ainsi un nouveau lieu public autour de la station de métro Champ-de-Mars et de sa magnifique verrière signée Marcelle Ferron.

Et en verdissant l'emprise de l'autoroute Ville-Marie dans le Quartier des gares, on réunira le centre-ville et Griffintown. On aménagera ainsi un parc linéaire, en diagonale, pour préserver une échelle humaine dans un secteur où verront le jour plusieurs tours.

Tout n'est pas parfait, on s'entend. Le recouvrement de Ville-Marie est partiel. La démolition de Bonaventure ne concerne qu'un kilomètre d'autoroute. Le futur parc Ville-Marie n'est qu'un plan pour l'instant. Et il y a bien des améliorations à apporter aux aménagements prévus pour s'assurer qu'ils seront attrayants, dynamiques et utilisés.

N'empêche, ce n'est pas rien de démolir une autoroute. Ce n'est pas négligeable qu'on veuille verdir plutôt que de laisser construire. Et ce n'est pas banal qu'on choisisse de planifier avant que ne s'installent les grues.

On n'agit pas toujours de la sorte à Montréal. On permet encore trop souvent aux promoteurs de faire ce qu'ils veulent, quand ils veulent, où ils veulent.

On l'a vu avec Griffintown, par exemple. Et on le voit ces jours-ci avec la démolition de la Maison Alcan, qui prouve qu'on est capable du meilleur et du pire au sein de l'administration Coderre-Bergeron (c'est peut-être le nom le plus approprié, finalement, vu le rôle important qu'y joue Richard Bergeron).

Cela dit, même si les projets pour Bonaventure, pour le Quartier des gares et pour le recouvrement de Ville-Marie sont perfectibles, ils ont au moins eu droit à une attention soutenue de la Ville, à une planification, à un encadrement.

C'est la seule façon, après tout, d'effacer les erreurs du passé... sans les répéter.