Il y a un musée à Montréal qui fait jaser un peu partout sur la planète. Qui a donné des conseils à San Francisco et Miami. Qui a servi de modèle en Belgique et en Grande-Bretagne. Qui a inspiré des villes au Brésil et en Australie.

Ce musée, on en parle un peu ici, mais beaucoup à l'étranger. Au point qu'il a récemment attiré l'attention du roi du Maroc, qui a téléphoné au Québec pour connaître ses secrets. Au point que Bono et son batteur ont insisté pour en faire une longue visite de plus d'une heure, le mois dernier.

Ce musée, je vous le donne en mille: c'est le boulevard Saint-Laurent. C'est, pour être plus précis, la multitude de murs du boulevard qui servent de toiles à de nombreuses et magnifiques murales.

Des murales immenses, spectaculaires, qui ont transformé la Main en véritable musée à ciel ouvert.

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Allez vous promener sur Saint-Laurent, vous verrez: les visiteurs s'y promènent aujourd'hui en regardant vers le haut.

Du coup, ils en oublient l'état déglingué de la Main et, surtout, ils osent sortir des sentiers battus. Ils quittent le trottoir du boulevard. Ils font une incursion dans le fond d'un stationnement de la rue Saint-Dominique. Ils empruntent les petites rues Clark, Milton, Saint-Cuthbert.

Ils sont attirés par ces murs colorés qui seraient sinon couverts de tags. Ils s'aventurent dans les ruelles. Ils découvrent des secteurs méconnus comme la minuscule rue Evans.

C'est ce que j'aime avec le festival MURAL. C'est l'événement le plus «durable» de Montréal. Quand il prend fin en juin, eh bien, il n'est pas fini. Il révèle la ville sous un autre jour, tous les jours.

«Montréal est de plus en plus perçu comme un lieu d'intérêt international pour l'art public, observe André Bathalon, cofondateur du festival. Montréal est vu comme un berceau extrêmement fertile pour les créateurs en général, mais c'est encore plus vrai pour les muralistes et les artistes visuels.»

Et précisons-le, il n'est pas question de tags, ces signatures que laissent les vandales sur leur chemin. Il n'est pas question de graffitis, ces dessins qui versent parfois dans l'art, mais parfois dans la dégradation urbaine.

Il est plutôt question d'art public. De street art, dans sa frange légale, encouragée, subventionnée, même. Celle sur laquelle Montréal a décidé de miser, celle qui lui permet aujourd'hui de se distinguer.

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J'arrive de New York, où j'ai découvert un quartier de Brooklyn appelé Bushwick, grâce à ses murales, justement. Des oeuvres peintes par un collectif qui souhaite renipper le secteur. Et j'ai visité une portion méconnue du Fashion District de Toronto, ce printemps, pour admirer la fameuse «Graffiti Alley», cette ruelle qui offre plus d'un kilomètre de street art.

Et je suis loin d'être le seul touriste à faire un détour pour profiter de cet art nouveau. Partout dans le monde, les villes s'habillent de la sorte pour s'embellir, sortir des quartiers de l'ombre, attirer l'attention des citadins et des touristes. Surtout depuis l'avènement de vedettes du street art, comme Banksy et Shepard Fairey.

Or, ce qu'on ne réalise peut-être pas ici, c'est que Montréal tire très bien son épingle du jeu sur la planète street art. C'est bien beau, Bushwick et la Graffiti Alley, mais ces «toiles» n'ont aucune commune mesure avec l'ampleur des 50 oeuvres que l'on doit au festival MURAL.

Il faut dire que Montréal ne vient pas de découvrir la chose. Avec des pionniers comme Mu, avec les projets de la Ville, avec le travail d'Art du commun et d'Under Pressure, la métropole savait déjà faire des murales. C'est ce qui explique d'ailleurs la place d'honneur dont profite Montréal sur le site du Google Street Art Project.

Mais le festival MURAL a permis d'attirer l'attention sur tout ça. «Les murales existaient avant. Mais le festival a permis de mettre en lumière cet art qui était peu reconnu, de valoriser les artistes et les lieux de murales», estime Michèle Picard, responsable du projet-pilote d'art mural de la Ville, qui ajoutera six oeuvres au paysage cette année.

Et on n'a encore rien vu avec MURAL. Car le festival a seulement trois ans et caresse encore bien des projets, sur la Main, mais aussi dans les arrondissements et à l'étranger. Pourvu qu'il se trouve des partenaires financiers, évidemment.

On le lui souhaite, vivement. Car si Montréal n'a jamais été une ville-musée, il peut maintenant se vanter d'offrir un des plus importants musées à ciel ouvert de la planète.

> Rue Evans: on y retrouve mon coup de coeur, l'oeuvre Adrien, d'Axel Void.

> Banksy: pour découvrir l'artiste, ne manquez pas le documentaire Exit Through the Gift Shop, offert sur iTunes.

> Shepard Fairey: auteur de la célèbre affiche Hope d'Obama, il s'est fait arrêter jeudi à Los Angeles, preuve que la ligne  est parfois mince entre l'art  et le vandalisme...