La façon dont le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a apposé sa signature à la déclaration finale des leaders du G7 sur les changements climatiques serait risible si elle n'était pas désolante.

Le premier ministre s'est certes joint à ses homologues réunis en Bavière pour rendre plus ambitieuse la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les leaders du G7 visent, d'ici 2050, une réduction dans le haut de la fourchette de 40-70 % par rapport à leur niveau de 2010. Ils veulent aussi limiter le réchauffement planétaire à deux degrés d'ici la fin du siècle.

Les signaux sont toutefois nombreux pour indiquer que le Canada ainsi que le Japon ont déployé leurs efforts pour réduire l'ambition des cibles, pour contrer la volonté de l'hôte du sommet, la chancelière Angela Merkel, de parvenir à une économie à faible carbone d'ici 2050, et surtout, pour faire en sorte que les membres du G7 ne se fixent pas de cibles individuelles.

M. Harper a confirmé ces signaux dans la façon dont il a décrit ces engagements. L'encre était à peine sèche qu'il commençait déjà à reculer. « Personne ne va commencer à fermer ses industries et à éteindre les lumières. Nous devons simplement trouver des façons de créer des sources d'énergie faibles en émissions de carbone. »

Simple en effet. Ne vous en faites pas, dit-il en substance. Rien ne va changer. On compte sur la technologie pour régler les problèmes.

L'absence d'enthousiasme était si palpable qu'elle suggère que M. Harper a apposé sa signature à cette entente tout simplement pour ne pas être isolé.

Rappelons que les technologies, surtout celles qui seraient cruciales pour le Canada, en atténuant l'impact des sables bitumineux, comme la captation du carbone, n'ont pas donné jusqu'ici de résultats très encourageants.

Miser sur la technologie en véhiculant le message que de véritables progrès seront possibles sans modifier la vie quotidienne ou l'activité économique relève de la pensée magique. On se retrouve dans le même univers mental que celui des adeptes des régimes amaigrissants qui rêvent de perdre leurs bourrelets pendant leur sommeil, avec des poudres miracles ou des appareils plus ou moins vibrants.

C'est ce même immobilisme qui commence, dans un prévisible effet boomerang, à faire très mal au Canada. À force de ne rien faire, surtout dans l'atténuation des impacts du développement des sables bitumineux, le Canada de M. Harper est en train de se bâtir une image de voyou environnemental qui lui nuit considérablement, notamment dans ses efforts pour construire des pipelines qui désenclaveraient le pétrole albertain.

Pendant ce temps, tous les chemins mènent à la solution dont le premier ministre ne veut absolument pas entendre parler, celle de la taxation du carbone, qui consiste à augmenter le prix des produits pétroliers pour tenir compte de leurs coûts environnementaux, préférablement en baissant les taxes ailleurs pour ne pas augmenter le fardeau fiscal.

Cette taxation peut avoir un double effet : décourager la consommation et inciter les producteurs à réduire leur empreinte. C'est d'ailleurs la seule façon de créer un contexte vraiment favorable à la recherche et à l'innovation technologique. C'est une variante de cette voie que le Québec a adoptée timidement avec la Californie et bientôt l'Ontario grâce à sa Bourse du carbone, ou encore la Colombie-Britannique avec une taxe fiscalement neutre.

Cette voie n'est pas seulement celle des groupes environnementalistes. Elle est encouragée, ici, par des économistes de divers milieux au sein de la Commission de l'écofiscalité du Canada, une initiative appuyée par des politiciens, de Jean Charest à Bob Rae en passant par Preston Manning. C'est aussi la voie qui semblait faire l'objet d'un appui largement consensuel à la Conférence de Montréal, la semaine dernière, y compris parmi des leaders de l'industrie pétrolière. Mais le premier ministre canadien a plutôt choisi l'autre camp.