Il y a un point commun entre la Société des alcools du Québec et la Commission scolaire de Montréal. Ce n'est pas que ses élèves du secondaire réussissent à acheter des bouteilles à la SAQ sans se faire carter. Le point commun, c'est leur inertie, leur admirable talent pour essayer de démontrer que ce qu'on leur demande est impossible.

Mercredi matin, j'ai failli m'étouffer avec mon café en prenant connaissance de l'étude commandée par la SAQ qui démontre à quel point l'imposition de la consigne pour les bouteilles de vin serait compliquée et à quel point elle coûterait cher.

250 millions sur cinq ans, dit l'étude. Un chiffre gonflé grâce aux procédés habituels. On additionne le coût des infrastructures nécessaires, 125 millions, aux coûts d'exploitation annuels de 17 millions, que l'on télescope sur cinq ans pour faire plus gros.

Les organisations peuvent déployer une grande créativité pour résister aux changements qui les bousculent. Ce réflexe se manifeste encore davantage dans le secteur public, plus bureaucratique, beaucoup plus difficile à faire bouger.

C'est dans ce contexte qu'il faut interpréter l'étude de la SAQ, qui recourt au scénario du pire, en brandissant des profits moindres et donc des revenus moindres pour les coffres publics, dans l'espoir de refroidir les ardeurs du ministre de l'Environnement, David Heurtel.

Je ne doute pas de la complexité d'instaurer un système de consigne pour les 250 millions de bouteilles de vin. Je ne suis pas non plus indifférent aux coûts. Mais le véritable coût de la consigne des bouteilles de vin, c'est la différence entre celui de l'instauration d'un nouveau système et celui du système actuel, le bac bleu ou vert. Il faut tenir compte du coût de l'inclusion des bouteilles de vin dans le bac, de leur effet sur la qualité de recyclage des autres matières, et de la qualité de la récupération. Il faut aussi tenir compte du fait que la SAQ perçoit déjà des montants pour la collecte sélective, autour de 12 millions.

Il faut surtout se souvenir qu'il y a des raisons environnementales valides de vouloir récupérer davantage, et qu'il y a quelque chose d'incongru pour le Québec, qui se targue d'être à l'avant-garde de la conscience environnementale, de traîner la patte à cause des résistances d'une société d'État.

Et j'ai une question bête. Ça a beau être compliqué, comment se fait-il que toutes les autres provinces - sauf le Manitoba - réussissent à le faire, tout comme les deux États américains voisins, New York et le Vermont ? Quel est leur truc ?

Ce sont les mêmes procédés qu'a utilisés la CSDM pour réagir aux compressions commandées par Québec : le scénario catastrophe. Dans une lettre aux parents, la commission scolaire annonce des compressions qui vont faire mal : bal des finissants, transport scolaire, services alimentaires, techniciens en éducation spécialisée. Le procédé est grossier.

Je ne doute pas que la commande gouvernementale soit lourde, probablement trop lourde. Mais un rapport de vérification, réalisé pour le gouvernement par la firme Raymond Chabot Grant Thornton, critique les lacunes de gestion de la commission et estime que d'autres avenues sont possibles. Qui dit vrai ? Voici une réponse indirecte.

On oublie souvent qu'il y a une autre commission scolaire francophone à Montréal, la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, qui couvre l'ouest de l'île. Deux fois plus petite que la CSDM, elle est néanmoins la deuxième en importance commission au Québec - 43 000 élèves au secondaire et au primaire, 92 établissements, 9100 employés. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, sa clientèle est moins homogène que celle de la CSDM - plus d'élèves allophones, 62 % contre 52 %, plus d'enfants nés à l'étranger, 31 % contre 27 %.

Est-ce que la Commission Marguerite-Bourgeoys est sur un pied de guerre ? Non. Est-ce que des vérificateurs ont débarqué dans ses bureaux ? Non. Québec la menace-t-il de tutelle ? Encore non. Quel est son truc ?