Les images montrant une manifestante blessée au visage par un tir de gaz lacrymogène à Québec jeudi dernier ne sont pas seulement «troublantes» ou «choquantes». Elles sont inquiétantes parce qu'elles risquent de se reproduire.

On peut se demander quelles leçons ont été tirées de la crise étudiante de 2012. Trois ans plus tard, les clans semblent aussi radicalement opposés et les plaies sont toujours vives. Au cours des derniers jours, quelques manifestations ont suffi pour exacerber les tensions et donner lieu à des dérapages de part et d'autre.

Le travail des policiers commande un comportement exemplaire. Leur formation doit les rendre imperméables aux invectives d'une foule. Ils doivent être en mesure de contrôler et leurs gestes et leurs émotions. En 2012, des mois de manifestations ont pu provoquer du stress et de l'épuisement au sein des forces policières, mais ces facteurs ne peuvent servir d'excuse aujourd'hui.

La Commission spéciale d'examen sur les événements de 2012 (rapport Ménard) a été critiquée pour son parti pris évident, mais il reste que plusieurs recommandations valaient la peine d'être analysées, notamment en ce qui a trait aux techniques d'intervention policière.

La Commission recommandait ainsi aux policiers, dans la mesure du possible, de prévenir les manifestants avant d'user de gaz lacrymogène, de façon à permettre à ceux qui le souhaitaient de s'éloigner. La scène de jeudi dernier laisse des doutes sur le suivi donné à cette recommandation.

Il serait faux, toutefois, de prétendre que rien n'a été fait depuis la dernière grève étudiante. À l'École nationale de police du Québec, la sélection des candidats comporte désormais un test psychométrique afin d'évaluer leur jugement dans certaines situations. Dès septembre, le programme offrira davantage de situations réelles où le futur policier sera confronté à des «agents stressants».

Si les corps policiers ont encore du travail à faire en ce qui concerne le contrôle des foules, les manifestants doivent également assumer leur part de responsabilité.

Le droit de manifester ne peut s'exercer au détriment des règles et des conventions qui régissent une société. Lancer des projectiles et bousculer volontairement des policiers, des membres des médias ou des quidams constituent également des gestes inacceptables.

Des militants refusent de divulguer leur itinéraire sous prétexte qu'autrement, leur événement deviendrait une simple balade du dimanche. En refusant de le faire, non seulement ils font en sorte que l'attention est détournée de leur message, mais encore ils font preuve d'irresponsabilité. Quand des dizaines, voire des centaines de manifestants envahissent les rues dans tous les sens, courant entre les automobilistes, cela ne fait pas qu'attiser les tensions. C'est dangereux, et plusieurs n'en ont pas conscience.

Manifester n'est pas un jeu. C'est un moyen d'expression qui, pour être crédible et avoir une portée, doit être réfléchi.