Les sondages ont montré que presque deux Québécois sur trois ne croient pas que le gouvernement Couillard réussira à éliminer le déficit comme prévu en 2015-2016.

La dernière étude de l'Institut du Québec, «Vers la fin des budgets écrits à l'encre rouge?» permettra peut-être de dissiper ce vent de scepticisme. Selon l'IDQ, l'antenne québécoise du Conference Board du Canada, dirigé par l'ancien ministre des Finances Raymond Bachand, le Québec est en bonne position pour atteindre ses objectifs.

Pour deux raisons. D'abord, la détermination du gouvernement Couillard de limiter la croissance de ses dépenses, ce que tous les Québécois ont pu constater, pour le meilleur et pour le pire. Ensuite, l'amélioration des conditions économiques grâce à la croissance américaine et la baisse du taux de change du huard, excellente pour nos exportations.

S'appuyant sur son modèle de prévision, le Conference Board révise à la hausse la croissance économique pour le Québec. De 1,5% en 2014, elle passera à 2,4% en 2015 et à 2,5% en 2016.

Ces prévisions ne doivent pas faire oublier que l'élimination du déficit exigera un coup de barre très difficile en 2015-2016. La croissance prévue des dépenses sera très faible, soit 0,7%, en dessous de l'inflation et très en dessous de leur croissance normale, plutôt autour de 4 ou 5%. L'IDQ estime aussi qu'après cet effort, pour que l'équilibre budgétaire soit durable, il faudra réduire de 5,2 à 4,2% la croissance des dépenses de santé.

Cette étude comporte une autre bonne nouvelle. Si ses prévisions sont justes, la croissance du Québec restera forte même si les efforts de redressement budgétaire sont exigeants. Cela répond à la crainte voulant que l'austérité compromette la croissance fragile de l'économie québécoise et puisse même la faire basculer en récession.

C'est notamment la thèse de Pierre Fortin. L'économiste réputé a entre autres publié des chiffres montrant que le Québec serait «un champion mondial de l'austérité» qui ont eu un grand retentissement, en bonne partie pour de mauvaises raisons.

Ces données ont nourri le discours de ceux qui confondent le redressement relativement modeste du Québec et les électrochocs subis par des pays comme la Grèce et l'Espagne, et donné des arguments à ceux qui s'opposent à l'austérité pour des raisons idéologiques. Ils ne semblent pas avoir compris que si M. Fortin critique le rythme de retour au déficit zéro imposé par le gouvernement Couillard, il est un partisan du retour à l'équilibre budgétaire, de la réduction de la dette et d'une baisse de la croissance des dépenses de santé.

Selon les données de son tableau, qui calcule le poids des mesures de réduction du déficit - hausses d'impôt ou baisse des dépenses - par rapport au PIB, le degré d'austérité est de +1,2 au Japon et en Australie, +1,0 au Québec, +0,9 en Suède, +0,8 au Royaume-Uni, +0,6 en Italie, en Espagne et aux États-Unis, +0,3 au Canada et en Grèce, +0,1 en France, et-0,2 en Allemagne et aux Pays-Bas.

Ce classement comporte trois défauts. Premièrement, c'est un instantané, qui porte sur une seule année. Certains pays y sont moins austères simplement parce que le couperet est tombé plus tôt, comme en Grèce, entre 2010 et 2013, ou l'Allemagne qui a, en un an (2011), brutalement réduit son déficit de 4,2 à 0,8% du PIB. Le Québec, «austère» cette année, ne l'aurait pas été l'an dernier et ne le sera pas l'an prochain. Deuxièmement, il classe indifféremment des pays qui ont déjà redressé leurs finances publiques, comme la Suède ou l'Allemagne, et des pays incapables de le faire, comme la France. Troisièmement, il ne tient pas compte du contexte financier, qui influence les choix budgétaires, comme le fait que le Québec soit plus endetté que les pays d'Europe du Nord.