«Lorsque vous commencez à compromettre vos principes, vous êtes fini.»- Justin Trudeau, 22 février 2014

En accueillant dans son caucus la vire-capot Eve Adams, Justin Trudeau a violé la promesse la plus importante qu'il avait faite aux Canadiens: mettre un terme à «la façon dépassée de faire de la politique».

M. Trudeau a certes raison de chercher à séduire des Canadiens ayant appuyé le Parti conservateur dans le passé. S'il avait attiré un député de l'aile progressiste du PC, reconnu pour la qualité de son travail, nous aurions applaudi. Mme Adams n'est ni l'un ni l'autre.

En conférence de presse lundi, aux côtés du chef libéral, Eve Adams a dénoncé le «leadership mesquin qui divise» de M. Harper et soutenu que «mes valeurs ne sont tout simplement pas alignées avec celles de cette équipe». Il s'agit là de mensonges grossiers.

En 2011, Stephen Harper était premier ministre depuis cinq ans. La mesquinerie des conservateurs était déjà bien connue. Cela n'a pas empêché Mme Adams de porter les couleurs conservatrices aux élections du 2 mai. Depuis son arrivée au Parlement, la députée torontoise a défendu fidèlement toutes les politiques du gouvernement et pourfendu les libéraux chaque fois qu'elle en avait l'occasion.

La réforme de la carte électorale ayant modifié les frontières de sa circonscription, Eve Adams a tout fait, jusqu'à violer les règles, pour obtenir l'investiture du Parti conservateur dans un comté voisin. La controverse a pris une telle ampleur que la formation a congédié son directeur exécutif, Dimitri Soudas, conjoint de Mme Adams. Les dirigeants tories, qui en ont pourtant vu d'autres, ont publiquement déploré les façons de faire de la députée. À cela il faut ajouter des crises de nerfs qui ont indigné les militants.

À bout de patience, le Parti conservateur a décidé qu'il ne voulait plus d'Eve Adams. Est-ce à ce moment que la dame a vu la lumière et réalisé que les conservateurs carburaient à la division? Pas du tout: il y a moins d'un mois, elle est allée plaider sa cause devant le mesquin en chef, Stephen Harper. En vain.

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Voici donc la prise miraculeuse de Justin Trudeau: une politicienne chassée par le Parti conservateur en raison de son comportement erratique et de ses tactiques déloyales. Des libéraux rêvent que cette acquisition leur permettra d'entendre les confidences de M. Soudas, longtemps proche de M. Harper. Or, Dimitri Soudas est l'archétype de l'homme de main conservateur. S'il y a une personne dont le Parti libéral n'aurait pas dû se rapprocher, c'est lui.

Par cette décision, M. Trudeau vient de démontrer que, comme son vis-à-vis conservateur, il est prêt à faire n'importe quoi pour gagner les élections. Cette manoeuvre risque de décevoir plusieurs Canadiens. Ceux-là pourraient se dire que, tant qu'à voter pour un arriviste, aussi bien choisir celui qui a démontré sa capacité de gouverner.