Lorsque Philippe Couillard s'est rendu voter, hier matin, dans sa circonscription de Roberval, ses conseillers lui ont suggéré de dire aux journalistes qu'il était «confiant» et non pas «serein», comme ses adversaires péquistes et caquistes l'avaient fait plus tôt dans la journée. «Quand on est serein, on perd», a résumé un proche collaborateur du chef libéral.

On analysera pendant des mois ces élections aux résultats totalement inattendus, mais un fait s'impose devant tous les autres: ce qu'a réussi Philippe Couillard au cours des cinq dernières semaines représente rien de moins qu'un exploit.

Redonner au PLQ le pouvoir, après en avoir été chassé dans la disgrâce il y a tout juste un peu plus de 18 mois, pas grand monde n'aurait parié là-dessus l'hiver dernier. C'est d'autant plus étonnant que son équipe, quoique renouvelée, ressemble beaucoup à celle de Jean Charest.

M. Couillard a mené une bonne campagne (c'était sa première). Rien de spectaculaire, mais pas d'erreur majeure. Et, comme c'est souvent le cas au PLQ, une équipe très disciplinée. Le chef libéral a aussi résisté à deux débats solides. Ces derniers jours, ses conseillers disaient que son ton calme avait plu aux électeurs, surtout aux électrices, en fait.

Bonne campagne, soit, mais il a eu de l'aide de ses adversaires péquistes.

Cette campagne du PQ figure déjà dans le grand livre des fiascos électoraux. Aucun enjeu clair au départ, message confus, changements de stratégie, arrivée tapageuse de PKP qui ramène le référendum sur le devant de la scène, retour de la Charte accompagnée d'une sortie controversée de Janette Bertrand.

Pour Pauline Marois, c'est une fin de carrière politique douloureuse. Elle était revenue en renfort après la débâcle de 2007, mais hier soir, son parti a fait encore pire. Pour le PQ, c'est l'une des pires récoltes de sièges (30 hier, 29 en 1989) et l'un des pires pourcentages de vote (27%, hier, 23% en 1970). Depuis 2003 (cinq élections), le PQ n'a qu'une victoire, le gouvernement minoritaire en 2012. La dernière fois que le PQ a réussi à rafler une majorité de sièges, c'était en 1998, sous Lucien Bouchard.

Avec de tels résultats, le bilan s'annonce pénible au PQ.

Le moment décisif aura été, sans contredit, l'arrivée de Pierre Karl Péladeau. Dans son discours, hier soir, il a clairement indiqué qu'il est là pour rester, et on suppose que ce n'est pas pour faire de la figuration à l'Assemblée nationale.

La course à la direction du PQ est donc officieusement lancée. La présence, sur la même scène, de PKP, Bernard Drainville et Jean-François Lisée, au moment même où on confirmait la défaite de Mme Marois dans Charlevoix, était peut-être prémonitoire.

Pour François Legault, le résultat est meilleur qu'en 2012, ce qui est aussi un exploit pour ce chef dont on doit saluer la combativité. M. Legault s'est engagé à faire son mandat et il pourra toujours s'encourager en se disant que l'avenir est peut-être plus radieux pour la CAQ que pour le PQ.

Québec solidaire gagne un siège, ce qui est peu, mais pour le plus petit des grands partis, c'est tout de même un grand pas en avant.

Priorités

Les premières annonces du gouvernement Couillard devraient venir très vite. Il faut d'abord former un conseil des ministres. Il ne manquera pas de matière première.

Philippe Couillard a déjà cerné trois priorités, qu'il compte enclencher avant le retour en Chambre: relancer le programme d'infrastructures de 1,5 milliard par année sur 10 ans, lancer le «Plan PME» (dont la nomination d'un ministre délégué à ce sujet) et mettre sur pied les cliniques 24/7 promises en campagne.

La suite attendra l'ouverture d'une nouvelle session à l'Assemblée nationale (peut-être en juin, comme l'avait fait Jean Charest en 2003, mais rien n'est décidé formellement pour le moment).

Les libéraux devront aussi trouver rapidement la voie pour adopter leur charte de la laïcité, en plus de préparer un premier budget.

Une fois en session, le gouvernement Couillard entend demander au vérificateur général de revoir les livres afin de poser le diagnostic le plus précis sur l'état de l'économie.

Il faudra aussi rétablir le décorum à l'Assemblée nationale, qui a trop souvent viré au capharnaüm. Ce ne sera pas facile. La couleur du gouvernement a changé, mais plusieurs occupants du Salon bleu restent les mêmes.

Sans compter que la commission Charbonneau reprendra sous peu ses travaux, abordant cette fois le vif du sujet.