Certaines traditions ne se perdent pas. Celle voulant que les politiciens ignorent la culture en campagne électorale. Celle consistant à reprocher aux politiciens d'ignorer la culture en campagne électorale ! À preuve : le livre. Il y a trois mois, c'était un dossier chaud. Depuis trois semaines, ça n'intéresse plus personne.

Ou presque.

Les écrivains et les éditeurs ont en effet rappelé leur existence, leur poids économique et les difficultés qu'ils vivent. L'édition est notre plus importante industrie culturelle avec des ventes de 678 millions (2012). Mais elle décline (diminutions de 2,4 % par année depuis 2007) et plusieurs librairies indépendantes sont en difficulté.

Si on veut aller plus en profondeur, il faut savoir que 49 % des Québécois éprouvent des difficultés de lecture et 800 000 sont analphabètes. C'est donc d'abord au ministère de l'Éducation et non à celui de la Culture qu'il appartient de rendre des comptes à ce sujet.

Sous un autre angle, l'adaptation aux changements technologiques et commerciaux, achat en ligne et livre numérique, s'avère lente et difficile. Il se vend 7 fois moins de livres numériques au Québec qu'aux États-Unis : environ 3 % contre 22 % du marché. Et la distribution numérique, tout comme l'achat en ligne, ont introduit une concurrence nouvelle, extraterritoriale.

Or, comme on le sait, la principale revendication du milieu du livre est l'adoption d'une loi dite du « prix unique ». Elle est destinée à protéger les libraires indépendants en interdisant les rabais parfois importants que consentent les grandes chaînes de commerce au détail. Le ministre de la Culture, Maka Kotto, a annoncé un tel projet de loi, mis sur la glace pour cause d'élections.

Québec solidaire appuie cette démarche. Libéraux et caquistes s'y opposent.

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Les écrivains et éditeurs ont d'autres requêtes, notamment en matière de droits d'auteur, de pratiques contractuelles, de régime fiscal. Elles sont importantes pour les auteurs : à peine 13 % d'entre eux tirent de leur plume des revenus supérieurs à 20 000 $ par année.

Le livre numérique ? Silence.

Pourtant, c'est là que se joue l'avenir, ce qui n'a pas échappé à la SODEC, qui propose depuis 2011 des aides à la numérisation. Mais ça ne va pas assez vite. « La croissance du catalogue, partout dans le monde, est entre 1 à 2 % par mois alors qu'au Québec, elle n'est que de 0,5 %, la moitié moins qu'en France », illustre Amélie Coulombe-Boulet, dans ce qui est, sauf erreur, le premier ouvrage majeur consacré à la question : Influence du livre numérique sur l'industrie de l'édition au Québec, bilan et enjeux.

Elle ajoute : 

« En n'offrant pas assez rapidement du contenu en français, les éditeurs risquent que les consommateurs se tournent vers les livres anglophones, ce qui pourrait faire pâtir toute l'industrie. »

Attention, danger : ça a déjà commencé.