L'ancien premier ministre Jacques Parizeau, dans une sortie remarquée, a exprimé son inquiétude pour l'économie du Québec et affirmé qu'elle avait besoin d'un «remède de cheval».

On doit se réjouir que M. Parizeau ajoute sa voix à celles de tous ceux qui sont inquiets et qui tentent depuis longtemps de convaincre leurs compatriotes de la nécessité d'un coup de barre. Sa crédibilité, notamment auprès de segments de la société plus réfractaires à ce genre de message, pourra favoriser une prise de conscience. Mieux vaut tard que jamais.

Car M. Parizeau arrive très tard dans ce débat. «C'est la première fois depuis trente ans, a-t-il confié, que je suis inquiet quant à l'avenir du Québec.» S'il s'était inquiété plus tôt, peut-être que le Québec n'en serait pas là.

M. Parizeau, dans un texte publié lundi dans le Journal de Montréal, reprend l'argumentaire du Bilan 2013 du Centre sur la productivité et de la prospérité des HEC-Montréal, qui décrit cet écart de niveau de vie entre le Québec, l'Ontario et les principaux pays de l'OCDE, et qui conclut à l'importance de le réduire par une hausse de la productivité.

Cette grille d'analyse n'est pas nouvelle. Elle était au coeur de mon essai, Éloge de la richesse, publié en 2006, qui analysait en détail les causes de ce retard du niveau de vie, prônait l'importance d'un rattrapage à travers la productivité. Le manifeste du groupe autour de Lucien Bouchard, Pour un Québec lucide, en 2005, commençait ainsi: «Nous sommes inquiets», et parlait du retard du niveau de vie.

Dans le cas de M. Parizeau, on peut parler de conversion tardive, parce que celui-ci n'a jamais manifesté d'affinité avec une approche critique de la performance économique du Québec. On a vu, récemment, son effort pour minimiser la gravité de l'endettement du Québec, un problème intimement lié à l'insuffisance de notre niveau de vie.

Il faut dire que l'ancien premier ministre reflète en cela la propension de sa famille politique à éviter de présenter la situation économique sous un jour désavantageux. Sans doute pour ne pas miner la confiance des Québécois dans leur capacité de maîtriser leur destin. Sans doute aussi parce que de telles réflexions mènent à remettre en cause certains éléments du modèle québécois, ce qui pourrait brouiller des alliances dont le PQ a besoin pour atteindre ses objectifs.

C'est ce qu'on a vu entre autres chez un ex-conseiller de M. Parizeau, maintenant ministre, Jean-François Lisée, qui a déployé de folles énergies pour nier l'existence d'un retard du niveau de vie des Québécois et la faible productivité de leur économie.

L'intervention de M. Parizeau pourra donc créer un certain malaise dans le parti qu'il a dirigé, parce qu'un diagnostic économique négatif nuit davantage au gouvernement, même s'il affirme commodément que «la lente et persistante détérioration de l'économie du Québec» se serait amorcée il y a 10 ou 12 ans. En fait, c'est depuis le début des années 80 que le Québec piétine.

On doit aussi noter que la productivité est une préoccupation de nos gouvernements depuis plusieurs années. Elle était au coeur des budgets du ministre libéral Raymond Bachand. Elle est également au coeur du budget et du plan d'action économique de son successeur péquiste Nicolas Marceau. Mais ce qu'on constate, c'est la difficulté du Québec d'aller jusqu'au bout de la logique pour que cette préoccupation se transforme en résultats.

En ce sens, si l'aval de M. Parizeau peut faire avancer les choses, si sa sortie peut contribuer à imposer l'économie comme thème central de la campagne électorale qui nous pend au bout du nez, nous serons tous gagnants.