Les Québécois ont appris avec soulagement que la Cour d'appel ordonnait un nouveau procès pour Guy Turcotte, qui a poignardé ses deux enfants en 2009.

On sait combien le verdict de «non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux» avait suscité l'indignation.

Plusieurs trouvaient tout simplement ridicule la thèse selon laquelle Turcotte était incapable de juger de la nature de ses actes en raison d'un trouble d'adaptation. Pour la plupart des gens, rien ne pouvait excuser des meurtres aussi sordides. Ils s'attendent à ce que le nouveau procès arrive à la seule issue sensée: la condamnation de Guy Turcotte pour meurtres prémédités. Or, cette conclusion n'est pas du tout certaine.

Dans le jugement rendu hier, la Cour d'appel ne dit pas que le juge Marc David a commis une erreur grossière, amenant les membres du jury à une conclusion aberrante. Au contraire, les trois juges reconnaissent qu'il s'agissait d'une cause difficile. Autant les experts de la Couronne que ceux de la défense admettaient que l'ancien médecin souffrait d'un trouble d'adaptation avec anxiété et humeur dépressive. Ce trouble l'a rendu particulièrement vulnérable aux chocs psychologiques causés par la dissolution de son union avec Isabelle Gaston.

La défense de non-responsabilité pour cause de troubles mentaux était donc vraisemblable, selon la Cour d'appel, et le juge a bien fait de la soumettre au jury parmi les verdicts possibles. L'erreur du magistrat réside ailleurs: il aurait dû inviter les jurés à distinguer les effets du trouble psychologique et ceux du liquide lave-glace que Turcotte a ingurgité en grande quantité avant de tuer Olivier et Anne-Sophie. «Le jury n'a pas été instruit sur une question importante qu'il devait trancher, à savoir si c'est le trouble mental ou l'intoxication qui a rendu l'intimé incapable d'un jugement rationnel», expliquent les juges en appel.

Lorsqu'une personne saine d'esprit commet un crime après s'être intoxiquée volontairement, la défense de non-responsabilité ne tient pas. Mais lorsque les deux facteurs, le trouble mental et l'intoxication, sont présents, le jury doit déterminer lequel a le plus contribué à l'inconscience de l'accusé. «Plus les effets de cette intoxication sont significatifs, moins la défense de troubles mentaux sera susceptible d'être acceptée par le jury», explique la Cour d'appel.

Le jugement d'hier démontre que, malgré l'impatience populaire, notre système de justice fonctionne raisonnablement bien. Bien sûr, beaucoup de gens souhaiteraient qu'il soit plus expéditif. Mais, en cette matière, la prudence et la sagesse sont meilleures conseillères.

Guy Turcotte subira donc un second procès. Toutefois, rien ne dit que l'issue satisfera davantage la population que le verdict initial. La justice n'est pas la vengeance. Heureusement.