Même si elle appartient au milieu du siècle dernier, c'est une guerre qui déroule encore ses conséquences. Y compris dans l'abject. Il y a quelques jours, on a repéré sur eBay des reliques des victimes de l'Holocauste - vêtements, uniformes, objets divers - offertes à l'enchère; un homme de Vancouver serait impliqué. D'autre part, la découverte dans un appartement de Munich de 1500 oeuvres d'art disparues depuis des décennies a aussi retenu l'attention.

Il s'agirait de la plus importante récupération de ce genre depuis la Seconde Guerre mondiale.

Ces oeuvres d'une grande valeur (elles sont évaluées à plus de 1,3 milliard$US), parmi lesquelles on retrouve des Matisse, des Chagall et des Picasso, ont été confisquées par les nazis au cours des années 1930 et 1940 dans des musées et chez des particuliers, un peu partout en Europe. Et elles ont été localisées dans l'appartement décrépi de Cornelius Gurlitt, 80 ans, le fils d'un marchand d'art munichois très actif et dévoué aux intérêts du Troisième Reich. Le fils était en fait soupçonné d'évasion fiscale, mais la perquisition a abouti à cet étonnant résultat.

On estime qu'avant et pendant la guerre, les élites civiles et militaires entourant Adolf Hitler ont volé, ou ont acheté sous pression et à vil prix, quelque 650 000 oeuvres d'art, objets religieux et biens culturels. Neuf sur dix n'ont toujours pas été retracés. Parmi les oeuvres retrouvées à Munich, au moins 200 faisaient l'objet d'un mandat de recherche international.

nnn

Aujourd'hui et demain, un colloque sur ce qu'on pourrait appeler l'art perdu se tient à l'Université Concordia, à Montréal, sous le thème «Pillage de culture, spoliation d'héritage». L'événement se propose de mettre en lumière une réalité méconnue. Tous les conflits, et pas seulement celui qu'on initié les nazis il y a trois quarts de siècle, donnent lieu à de tels actes de pillage ou de destruction, dont les conséquences dépassent de très loin celles liées à la perte économique.

Pour prendre un exemple qui a scandalisé la planète entière, le dynamitage par les talibans afghans des bouddhas de Bâmiyân, en 2001, avait effacé une trace culturelle vieille de 15 siècles que l'humanité ne récupérera jamais.

Dans le cas des suppôts d'Hitler (ce bourreau qui, tout jeune, aurait voulu être un artiste!), la haine de l'art moderne qu'ils estimaient «dégénéré» combinée au désir d'en tirer tout de même profit a entraîné cette sorte de cataclysme culturel sans précédent.

De la guerre de 1939-1945, on retient qu'elle a tué des dizaines de millions d'êtres humains, qu'elle a détruit un continent, qu'elle a inventé une telle horreur que le génocide industriel. C'est l'essentiel, évidemment. Mais l'art qui y a été perdu n'est pas chose négligeable non plus. C'est l'Histoire, la mémoire, le message légué par une société et par une époque qu'on a volé ou détruit aussi.