L'Association d'établissements de santé et de services sociaux (AQESS), qui regroupe les hôpitaux du Québec, a demandé hier au gouvernement Marois d'exempter ses membres de la mesure la plus visible du projet de charte des valeurs, l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires.

Cette demande esquisse, à mon avis, les contours de ce qui pourrait être un compromis pour mettre fin à ce débat qui nous déchire. 

Il suffit de regarder qui semble vouloir être exempté de cette mesure. Montréal et les villes de l'île, probablement la plupart des universités, sans doute les commissions scolaires montréalaises si elles survivent à leur conflit avec Québec, et maintenant les établissements hospitaliers.

Autrement dit, les institutions publiques où la question des signes religieux ostentatoires se pose, et où, selon le gouvernement, il y aurait des problèmes, ne veulent pas les interdire.

Et cela mène à un compromis d'une simplicité désarmante. Il suffit d'interdire le port des signes religieux ostentatoires là où personne n'en portera jamais, comme à l'hôtel de ville de Chicoutimi ou une lointaine commission scolaire, ou encore dans les officines des ministères où les minorités sont cruellement absentes. Et de les permettre là où les minorités religieuses sont présentes, surtout dans la grande région montréalaise. Et tout le monde serait content.

Ma solution est évidemment ridicule, mais elle n'est pas si loin de la vérité. Et elle est à l'image du projet intellectuellement confus qu'a proposé le gouvernement Marois.

La sortie de l'AQESSS a une autre vertu, et c'est d'expliquer encore plus clairement pourquoi le ministre responsable du dossier, Bernard Drainville, ne voulait pas faire reposer sa politique sur des études. Quand il affirmait avoir écouté ce que les gens lui disaient, il ne faisait manifestement pas référence à ceux qui sont aux premières lignes.

L'AQESSS a basé sa décision sur un sondage auprès de ses membres, pas vraiment scientifique, mais terriblement révélateur. Elle a demandé aux présidents et directeurs généraux si leur établissement avait fait face à des problèmes avec les demandes d'accommodements religieux, tant avec le personnel qu'avec les usagers». La réponse? Non: 98,3%. Oui: 1,37%. Soit un seul établissement sur 74. Et des problèmes avec le port de signes religieux ostentatoires» ? 100% ont répondu non!

On a aussi demandé aux directeurs de ressources humaines si certains de leurs employés portaient des signes religieux ostentatoires. 48% des établissements ont dit oui. Combien ont eu des problèmes avec la clientèle? Un gros 3%. Combien des plaintes formelles? Zéro.

Le malaise manifeste des hôpitaux met également en relief un élément fallacieux de l'argumentaire gouvernemental qui, au nom de la laïcité de l'État, prône la neutralité religieuse de ses représentants. Et c'est que même si certains services sont procurés par le réseau public ou par des organismes subventionnés, il faut faire preuve d'une vision de l'État passéiste, très XIXe siècle, pour décrire les employés de ces institutions comme des représentants de l'État.

Quand un professeur d'université, par exemple Léo-Paul Lauzon, fait une sortie, ce n'est pas l'État qui parle. Quand une éducatrice de CPE amène votre tout petit au parc, ce n'est pas l'État qui le prend par la main. Quand vous avez une fracture de la cheville, ce n'est pas l'État qui vous met un plâtre.