«Le projet de charte des valeurs québécoises, ce n'est pas pour diviser, c'est pour rassembler.»- Pauline Marois, entrevue au Devoir, 6 septembre 2013.

Si l'objectif du gouvernement était d'unir les Québécois autour de sa «charte des valeurs québécoises», c'est raté. On le voit par le nombre et la virulence des réactions de part et d'autre. Un sondage Léger Marketing publié hier par QMI confirme que la population est profondément divisée sur la question.

Pourtant, quand on y regarde de plus près, le projet du gouvernement Marois est bel et bien porteur d'une plus grande harmonie. En effet, il y a consensus dans la province sur plusieurs des orientations proposées; seule l'interdiction du port de signes religieux par les employés du secteur public pose problème. Afin de calmer le jeu et de faire les choses correctement, la première ministre devrait accepter de scinder sa proposition, comme le suggèrent le chef libéral Philippe Couillard et le sociologue Gérard Bouchard.

Le projet de loi sur la nouvelle charte comporterait les éléments suivants, que les trois principales formations politiques du Québec approuvent:

- l'affirmation du principe de la neutralité religieuse de l'État dans la Charte des droits et libertés de la personne;

- l'inscription dans une loi de balises relativement aux accommodements religieux, notamment le fait qu'un accommodement peut seulement être consenti s'il respecte l'égalité des hommes et des femmes et s'il n'impose pas de contrainte excessive relativement au respect des droits d'autrui, au bon fonctionnement de l'organisme et à la santé et à la sécurité;

- la mise en place de mesures assurant que ces balises sont connues et respectées par les gestionnaires publics et privés;

- l'affirmation dans une loi que les services publics doivent être donnés et reçus à visage découvert;

- la protection du patrimoine religieux du Québec.

Un tel projet de loi serait sans doute adopté sans difficulté avant les Fêtes.

Reste l'interdiction faite aux employés de l'État de porter un signe religieux ostentatoire. Le sujet est controversé et juridiquement délicat. Il est aussi trop important pour qu'on l'évite, comme le suggèrent les libéraux. Par conséquent, le gouvernement devrait confier à une commission parlementaire la tâche d'étudier le sujet sous toutes ses coutures. Cette commission entendrait notamment l'avis de juristes et de représentants des diverses communautés concernées. Elle pourrait aussi se pencher sur des expériences étrangères. Enfin, Québec pourrait profiter de ce répit pour vérifier combien de ses employés portent actuellement un signe religieux.

Une telle démarche serait à la fois plus rigoureuse et plus respectueuse des minorités religieuses. Et il en sortirait peut-être une proposition de compromis susceptible de rallier la grande majorité des Québécois.