Y a-t-il un sens à donner à la tragédie de Lac-Mégantic? Questionné à ce sujet, le prêtre méganticois Steve Lemay a pris le temps de réfléchir. Puis, il s'est fait à l'idée.

Non, il n'y en a pas. Mais il reste l'entraide, la fraternité, a-t-il ajouté.

Aujourd'hui, les familles des 47 victimes se réuniront pour franchir une autre étape du deuil, celle des funérailles de leurs proches. La communauté se resserrera pour se souvenir des disparus. Les accusations contre la compagnie ferroviaire, les disputes sur qui paiera la facture prendront une pause pour qu'on se souvienne de ce qu'est d'abord la catastrophe de Lac-Mégantic: une tragédie humaine.

Cette tragédie est aussi, évidemment, une catastrophe sociale et économique. Un centre-ville a été détruit, des entreprises jouent leur survie dans une région qui peinait déjà à retenir ses jeunes.

Mais est-ce une catastrophe environnementale? Si le ministère de l'Environnement grimace à l'évocation d'une «catastrophe», il s'empresse d'ajouter que la situation, bien que grave, est «sous contrôle».

Cette semaine, le ministère a estimé que près de six millions de litres de pétrole ont été perdus dans l'accident. La majeure partie a brûlé - la fumée, bien que toxique, a été dispersée. Plus de douze millions de litres d'eau huileuse ont été récupérés des égouts, des terrains, du lac et de la rivière.

Selon les autorités, il reste très peu d'hydrocarbures dans la Chaudière. Les impacts sur la faune et la flore ont aussi été limités: «quelques dizaines» de poissons morts ont été rapportés et les oiseaux n'auraient pas été affectés.

Reste tout le pétrole absorbé par le sol.

Comment nettoyer ce gâchis? Où iront ces tonnes de terre souillée qu'il faudra excaver? On peut déjà craindre l'éclatement de conflits «pas-dans-ma-cour» lorsqu'il faudra trouver un endroit pour se débarrasser ou traiter des sols contaminés...

Jusqu'ici, le ministère de l'Environnement a agi avec célérité pour limiter les dégâts. Le ministre Yves-François Blanchet s'est également dit ouvert à étudier plusieurs propositions pour décontaminer les sols, même s'il s'agit de «nouvelles technologies», a-t-il dit, dont le Québec pourrait tirer une expertise pour l'avenir. L'une d'elles, par exemple, est la bioremédiation: elle permet une dégradation du pétrole dans le sol grâce à des bactéries, à la manière du compost. Une technologie plus audacieuse et plus propre que l'enfouissement, mais qui pourrait aussi coûter plus cher.

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Jusqu'où serons-nous prêts à aller pour éviter que la tragédie ne devienne, en plus de tout ce qu'elle est déjà, un vrai désastre environnemental? Avec une facture qui s'annonce épouvantablement salée, la tentation sera forte de renoncer à des méthodes plus écologiques qui coûteront plus cher. Mais les méthodes de décontamination ne devront pas être choisies seulement en fonction du montant à payer à court ou moyen terme. 

Pour les familles endeuillées qui se réuniront à l'église aujourd'hui, ça ne changera pas grand-chose. Mais pour les générations qui suivront, ça fera toute la différence.